Le vaccin anti-Covid-19 développé par le groupe américain Johnson & Johnson devrait être approuvé en France samedi, deux jours après son homologation européenne attendue pour ce jeudi. Cette double autorisation sera l’une des dernières accordées par les grandes puissances, car le produit a déjà conquis les États-Unis et l’Afrique du Sud. Que peut-on s’attendre sur le marché après les annonces officielles ?
Un vaccin efficace, mais différent
Loin de l’enthousiasme suscité par les produits de Moderna, d’AstraZeneca et de Pfizer-BioNTech, le vaccin élaboré par Johnson & Johnson n’a pas connu un emballement médiatique immédiat. Pourtant, il est tout aussi efficace que les premiers cités et offre en plus des avantages précieux pour la campagne de vaccination qui a déjà débuté dans plusieurs pays.
En effet, le pourcentage d’efficacité du vaccin Johnson & Johnson s’élève à 85 % contre les formes graves de la maladie, après seulement une injection. Pour Pfizer-BioNTech et les autres vaccins déjà plébiscités, il faut compter deux injections avant d’atteindre ou dépasser la même performance.
Par ailleurs, il peut se conserver dans un réfrigérateur classique ou même dans une glacière entre 2° et 8 °C de température. Cela offre bien des avantages, car l’administration de la dose peut se faire plus facilement chez un médecin en ville ou dans une pharmacie, contrairement aux autres principaux vaccins qui doivent être conservés entre -70 et -20 °C. Cela pose un défi logistique qui peut être évité avec l’adoption de Johnson & Johnson. En plus de son efficacité, ces atouts ont dû jouer un rôle dans l’homologation rapide du vaccin en Afrique du Sud, aux États-Unis et bientôt en Europe.
Adopté par de grandes puissances économiques
L’Afrique du Sud a été l’un des premiers pays à autoriser le déploiement du vaccin Johnson & Johnson. Et ironie du sort, la commande initiale de 9 millions de doses est intervenue début février, après des critiques formulées par les autorités sanitaires sud-africaines sur l’efficacité du vaccin d’un concurrent, en l’occurrence celui d’AstraZeneca. Ce dernier serait en effet moins efficace contre le variant sud-africain de la covid-19, 501Y.V2, contrairement au vaccin Johnson & Johnson. Alors que la souche 501Y.V2 du virus se propageait dans le monde, les États-Unis ont eux aussi annoncé l’adoption du vaccin Johnson & Johnson.
Homologué en urgence le 27 février par l’Agence américaine des médicaments (FDA), le vaccin de Johnson & Johnson a commencé à être déployé la semaine suivante, si l’on se fie aux déclarations de Jeff Zients, le coordonnateur de la riposte contre la pandémie à la Maison-Blanche. Trois à quatre millions de doses déjà disponibles devraient d’abord être distribuées et un total de 100 millions de doses est attendu d’ici juin dans le cadre du contrat conclu avec l’État fédéral. Puisqu’il s’agit d’une dose unique par personne, cela devrait permettre de vacciner près d’un tiers de la population américaine. Des tests doivent néanmoins être encore menés pour déterminer la nécessité d’un rappel. L’assurance actuelle est celle d’une efficacité globale durant trois mois. Au-delà s’ouvre le champ des probabilités et de l’inconnu.
Pour Alain Fischer, président de la stratégie vaccinale contre la pandémie de Covid-19 en France, qui s’exprimait sur un plateau de Télévision, une problématique subsiste, celle de la durée de protection qu’offre au vacciné une dose du vaccin. Est-ce qu’en recevant le vaccin Johnson & Johnson, on peut être protégé sur une longue période, sur six mois par exemple ?
Notons par ailleurs que les analyses de la FDA ont révélé que le vaccin de Johnson & Johnson a un taux d’efficacité de 80 à 90 % contre les formes graves, mais cette protection tombe à 66 % si l’on prend en compte toutes les formes symptomatiques.
En Europe, il faut préciser que l’UE a commandé 200 millions de doses du vaccin Johnson & Johnson, avec la possibilité de doubler ce chiffre. Pour autant, seulement 100 millions de doses seront effectivement distribuées d’ici juin. Avant même le début de ces diverses campagnes de vaccination avec le vaccin de l’entreprise américaine, il faut souligner les effets que cette publicité mondiale peut avoir sur les finances du groupe et sa perception par les investisseurs en bourse.
Quel impact sur l’action de Johnson & Johnson ?
Contrairement à son concurrent Moderna dont l’action a bondi de près de 500 % entre l’annonce des premiers essais cliniques et l’autorisation de mise sur le marché du vaccin, les cours de l’action Johnson & Johnson sont relativement stables depuis plusieurs mois. La plus forte envolée est intervenue fin janvier, quand le titre s’est négocié légèrement au-dessus de 170 $. Cette hausse subite est intervenue après la publication de très bons résultats enregistrés par la société au quatrième trimestre 2020. Le chiffre d’affaires a grimpé de 8,3 % d’une année à l’autre pour s’établir à 22,5 milliards.
Cette performance s’est plus ou moins reflétée dans le bilan annuel du groupe, avec une hausse de 0,6 % du chiffre d’affaires de 2020 à 82,6 milliards $. Il faut cependant souligner que la hausse de l’action aurait pu être plus importante sans le recul noté au niveau du bénéfice par action. Celui-ci a baissé de 57 % au dernier trimestre pour atteindre 0,65 $. Même remarque au niveau du bénéfice net qui a subi une baisse de 57 % en glissement annuel pour le quatrième trimestre.
Depuis cette embellie observée il y a moins de deux mois, l’action n’a fait que baisser. Fait assez étonnant pour être souligné, l’annonce de l’homologation par la FDA du vaccin anti-Covid-19 développée par le groupe n’a pas eu d’effet sur cette tendance. Le titre a continué de plonger et se trouve actuellement sous la barre des 160 $. Les analystes expliquent cette situation par la taille de la société.
Le groupe pharmaceutique Johnson & Johnson est en effet une entreprise qui comptera bientôt 150 ans d’existence et possède plus de 200 filiales. Présente dans des dizaines de pays à travers le monde avec à son actif plusieurs marques de médicaments et de consommables médicaux, elle ne doit pas sa renommée au vaccin nouvellement développé, ce qui justifie le peu d’impact que les avancées dans ce secteur ont sur l’action.
En comparaison, Moderna est une société fondée seulement en 2010 et qui ne s’est introduite en bourse qu’en 2018, ce qui favorise la spéculation sur son titre. Cependant, il n’est pas à exclure que les annonces d’adoption du vaccin Johnson & Johnson profitent à l’entreprise, car la bourse a déjà démontré à plusieurs reprises qu’elle pouvait déjouer les pronostics du plus averti des analystes.