Uber, le géant américain des voitures de transport avec chauffeur (VTC), a annoncé un programme innovant pour stimuler la motivation de ses chauffeurs aux États-Unis. Le groupe consacrera ainsi 250 millions de dollars dans les prochains mois afin d’augmenter les revenus de ses chauffeurs. C’est l’un des derniers efforts de relance menés par l’entreprise qui, comme son concurrent Lyft, fait face depuis quelques mois à des difficultés liées à la pandémie de Covid-19.
Ramener les chauffeurs au travail
En débloquant un budget d’un quart de milliards de dollars pour ses partenaires, Uber n’a pas du tout caché l’objectif de sa démarche : « remettre les conducteurs sur la route ». Grâce à des bonus générés automatiquement après un certain nombre de temps de conduite, l’entreprise basée à San Francisco veut inciter les chauffeurs à réactiver leurs comptes sur l’application. Ces derniers s’étaient mis en retrait en pleine pandémie de Covid-19 à cause de la baisse de la demande.
Les différentes restrictions, dont le confinement marqué notamment par le télétravail, ont en effet limité les déplacements des particuliers, le cœur d’activité d’Uber. Entre octobre et décembre 2020, il y avait ainsi 93 millions de clients actifs, ce qui représente une baisse de 16 % en glissement annuel. Dans ces conditions, il n’était plus rentable pour les chauffeurs de prendre leurs voitures et se mettre sur la route pour n’avoir presque pas de clients. De plus, certains partenaires d’Uber craignaient de contracter le virus en faisant leur travail.
Cependant, la situation a beaucoup évolué ces derniers mois. Avec la levée des restrictions et le début des campagnes de vaccination, les gens se sont mis à sortir davantage de chez eux et l’économie mondiale reprend progressivement. Ce changement a entraîné un regain d’intérêt pour la plateforme de mise en contact et la demande explose alors que les chauffeurs demeurent peu enclins à conduire à nouveau les clients.
« En 2021, il y a plus d’usagers qui demandent des trajets qu’il n’y a de conducteurs disponibles pour les effectuer, ce qui fait que c’est le moment idéal pour être conducteur », explique Dennis Cinelli, vice-président d’Uber pour la mobilité en Amérique du Nord (États-Unis et Canada).
Le géant américain ne veut certainement pas perdre des millions de dollars par manque de chauffeurs d’où l’idée de ces bonus qui, au final, ne sont que des « stimuli » pour tenter de ramener les chauffeurs au travail. Outre l’aspect financier, notons que le groupe Uber a mis sur pied d’autres moyens d’incitation.
Efforts de lutte contre la pandémie
Les fonds nouvellement débloqués ne sont en effet pas les seuls efforts d’Uber en faveur de ses chauffeurs. La compagnie a en effet initié depuis plusieurs semaines un nouveau partenariat avec Walgreens, la deuxième plus grande chaîne de pharmacies aux États-Unis.
Puisque la campagne de vaccination se fait aussi grâce aux officines, cet accord permettra aux chauffeurs de prendre rendez-vous pour se faire vacciner contre la Covid-19 dans les unités mises sur pied par Walgreens. Cette initiative n’est pas censée permettre aux partenaires de la plateforme de VTC d’être prioritaires sur le reste de la population américaine. Elle a plutôt vocation à leur assurer un accès rapide et sûr aux doses de vaccins pour ceux qui sont éligibles. Si cette proportion ne représente qu’une faible partie des chauffeurs d’Uber, cela ne va plus durer longtemps.
Alors que la phase actuelle de la campagne américaine de vaccination concerne surtout les personnes âgées ou présentant des comorbidités, la donne va bientôt changer. Dans un discours à la Nation le 11 mars, le président Joe Biden a promis que tous les adultes américains seraient éligibles pour recevoir les vaccins anti-covid-19 d’ici le 1er mai.
Davantage de chauffeurs Uber seront donc concernés et pourront donc bénéficier du partenariat entre Uber et Walgreens. Pour rappel, cette dernière s’était déjà associée en février dernier à Uber pour notamment assurer le transport des vaccins vers des zones défavorisées.
L’alter ego Lyft
Uber et son concurrent Lyft se ressemblent à bien des égards. Évoluant toutes deux dans l’univers des VTC, ces entreprises américaines ont également leur siège social à San Francisco dans l’État de Californie. Ces derniers mois cependant, un autre point commun s’est ajouté à la liste, celui de la pénurie de chauffeurs liée à la crise sanitaire actuelle. Si la chute de fréquentation de la plateforme n’a été « que » de 16 % pour Uber au quatrième trimestre 2020, la situation fut beaucoup plus critique pour Lyft.
L’autre géant du secteur a en effet enregistré une baisse de 45 % des courses sur la même période. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Lyft a également noté la désertion de ses chauffeurs, faute de clients. Alors que ces derniers demandent désormais davantage de courses, la compagnie fondée en 2012 a décidé d’apporter les mêmes réponses que son concurrent. Il s’agit évidemment d’inciter financièrement les conducteurs à reprendre le volant pour satisfaire la demande en hausse.
Si une enveloppe financière spécifique n’a pas été annoncée, il faut souligner que des efforts sont en cours. Selon le Financial Times, la plateforme au logo rose s’est notamment engagée à prendre en charge les frais de location, pour ses partenaires qui utilisent les voitures de location. De plus, Lyft offre un bonus de 800 dollars aux chauffeurs qui acceptent de réactiver leurs comptes. Elle distribue également plus d’argent aux conducteurs pour les trajets qui durent plus de neuf minutes.
Si ces différentes incitations peuvent amener les chauffeurs des deux sociétés à travailler davantage, il se pose néanmoins un problème récurrent, celui des conditions de travail des partenaires et surtout de leur protection sociale.
Vers la fin du modèle « Uber » ?
Mi-mars, les 70 000 chauffeurs d’Uber au Royaume-Uni ont réussi un tour de force remarquable. Devant la Cour suprême, ils ont en effet obtenu gain de cause dans leur combat visant à obtenir un meilleur statut au sein de l’entreprise. Uber a annoncé dans la foulée la création d’un statut de « travailleur » pour ses partenaires, ce qui leur permettra d’obtenir un salaire minimum, des congés payés et une meilleure protection en cas d’accident de travail.
Loin du modèle d’indépendant tant vanté par Uber, Lyft et d’autres plateformes similaires, nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour réclamer à ces géants le statut de salarié pour leurs chauffeurs ou livreurs. Comme l’a montré l’arrêt de la haute cour britannique, la réglementation restée jusque-là assez tiède sur le sujet évolue et les entreprises seront bientôt obligées d’en tenir compte dans leurs relations avec leurs partenaires.
Ils risquent sinon de connaître les mêmes déboires que Deliveroo qui a raté son entrée en bourse. Lors de l’introduction à la bourse de Londres le mercredi 31 mars dernier, le géant britannique de la livraison de repas a en effet connu une baisse de 30 % du cours de l’action. Les critiques sur le modèle de l’entreprise et la rémunération des livreurs ne sont pas étrangers à cette déroute.