Le groupe d’électronique français Thales a réagi à la rupture du « contrat du siècle » entre l’Australie et la France. Alors qu’elle détient notamment 35 % d’intérêts dans Naval Group, le chantier naval militaire qui était chargé de livrer les douze sous-marins Shortfin Barracuda au pays d’Océanie, Thales indique que son bilan n’en sera pas vraiment affecté. La société a donc tenu à rassurer les investisseurs sur le maintien de ses objectifs financiers pour le reste de l’année.
Rupture d’un contrat à 50 milliards $
Jeudi 16 septembre, le président américain Joe Biden a annoncé à la Maison-Blanche, avec les chefs des gouvernements britannique et australien présents par visioconférence, la conclusion d’un partenariat tripartite. Dénommé « Aukus », il permettra à l’Australie de profiter de la technologie américaine grâce à la livraison d’une flotte de sous-marins à propulsion nucléaire. L’Australie explique cette décision par, entre autres, l’évolution de la situation sécuritaire dans le Pacifique, contexte qui rend inadaptés les sous-marins conventionnels de nouvelle génération que devait livrer le partenariat avec la France. Dans l’Hexagone, cette annulation a créé une crise diplomatique sans précédent avec l’Australie et les États-Unis.
Juste après l’annonce, la France a d’abord annulé un gala prévu à Washington. Pendant ce temps, Florence Parly, ministre des Armées, a évoqué « une énorme déception », alors que Jean-Yves le Drian, le chef de la diplomatie française a regretté « un coup dans le dos ». Vendredi 17, Paris a rappelé ses ambassadeurs à Canberra et à Washington pour « consultations », une manière de signifier à l’Australie et aux États-Unis son mécontentement et l’importance que le gouvernement français accorde à cette crise.
Pour Thales en revanche, le contrat de 50 milliards signé en 2016 ne représente pas une part si importante de ses activités. Elle explique ainsi que dans le cadre de sa participation dans Naval Group, l’impact ne sera pas « significatif ». La contribution en question ne représente, apprend-on, que 2 % de l’EBIT (bénéfice avant intérêts et impôts) du groupe en 2020, soit 22 millions d’euros. L’implication de Thales dans le « contrat du siècle » ne se limite néanmoins pas qu’au chantier naval. Le groupe français, spécialiste des sonars acoustiques pour les navires de guerre, devait en effet livrer des sous-systèmes à l’américain Lockheed Martin. Mais là encore, peu de conséquences.
« Au 30 juin 2021, les contrats en carnet avec Lockheed Martin ne sont pas matériels à l’échelle de Thales, puisqu’ils représentent un montant de moins de 30 millions d’euros, soit moins de 0,1 % du carnet de commandes total à la même date (34,6 milliards d’euros) », indique le groupe.
Maintien des objectifs financiers 2021 de Thales
En raison de l’impact minime lié à l’annulation du contrat militaire avec l’Australie, Thales s’attend toujours à atteindre ses prévisions pour l’année en cours. Comme elle l’annonçait déjà le 4 août dernier, elle vise un ratio des prises de commandes rapportées au chiffre d’affaires supérieur à 1, soit la performance déjà réalisée en 2019 et en 2020. Dans le même temps, le chiffre d’affaires de la compagnie devrait se situer entre 15,8 et 16,3 milliards d’euros, avec d’EBIT de 9,8 % au minimum, mais pouvant aller jusqu’à 10,3 %. Notons que cela représentera une hausse de 180 à 230 points de base si on la compare à la marge d’EBIT réalisée l’année dernière. Il faut souligner que ces prévisions sont motivées par des performances solides jusqu’ici.
Au premier trimestre 2021, Thales a en effet enregistré un chiffre d’affaires de 8,4 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de 9,8 % à périmètre et taux de change constants par rapport à la même période en 2020. Toujours en variation organique, les nouvelles commandes enregistrées sur la période ont progressé de 35 % en glissement annuel pour atteindre 8,2 milliards $. Mais les augmentations les plus remarquables se situent au niveau des profits. Le groupe électronique français a en effet vu son résultat net ajusté croître de 155 % d’une année à une autre pour s’établir à 591 millions d’euros, alors que le résultat net consolidé se situe à 433 millions d’euros, en hausse de 566 % en glissement annuel.
Porté par ses bons résultats, le groupe Thales table sur des perspectives solides à moyen terme. C’est du moins ce qu’a réaffirmé Patrice Caine, PDG de l’entreprise, au cours d’un entretien avec Les Echos le mois dernier. Alors que le récent chaos lié au retrait américain d’Afghanistan peut inciter les États occidentaux à augmenter leurs budgets de défense, Thales prévoit un taux de croissance annuel de 5 % dans cette branche d’activité. Cela devrait justement permettre de compenser en partie les difficultés dans l’aéronautique civile. En raison des pertes énormes enregistrées par les compagnies l’année dernière à cause de la pandémie et des restrictions toujours en place sur les voyages, certaines commandes sont en effet ajournées.
« Une de nos forces est d’être multimétiers. Cela nous a permis par exemple de conserver nos compétences de l’aéronautique civile au sein du groupe (plusieurs centaines de salariés de Châtellerault, Bordeaux, Toulouse ou Valence) pour les faire travailler dans le secteur de la défense, par exemple, où les besoins sont en hausse », rassure néanmoins le patron de Thales.
Un nouveau directeur à la division navale
Pendant ce temps, Thales a procédé à la nomination d’un nouveau responsable à la tête de sa filiale Thales Underwater Systems. Gwendoline Blandin-Roger prend en effet le poste de DG de la division navale du groupe basée à Sophia Antipolis dans le département des Alpes-Maritimes. Celle qui a travaillé pendant 17 ans chez McKinsey puis depuis 2018 au sein du pôle système de mission et de surveillance de Thales Groupe s’occupera désormais de la gestion de la branche de la compagnie spécialisée dans la production d’équipements d’aide à la navigation, dont les sonars à usage militaire.
« Sa vaste expérience dans la gestion de la complexité opérationnelle de grands projets et la promotion de l’innovation et de la croissance sera sans aucun doute un atout précieux dans son nouveau rôle », s’est réjoui Thales.
Nouvelle avancée Tech au Japon
Au rayon des changements chez Thales, notons que la société a annoncé le 15 septembre le lancement d’une bague NFC au Japon. Il s’agit en fait d’une solution de paiement de la fintech japonaise Evering, mais pour lequel le groupe français est chargé d’assurer la sécurité intégrée et la technologie sans contact. Il est également question de fournir des services de personnalisation aux utilisateurs, ce qui permettra de garantir la fiabilité des transactions avec la bague connectée.
« Nous sommes très heureux de nous associer à EVERING, une entreprise qui crée du lien entre technologie et mode, avec le lancement de la bague de paiement sans contact. Thales fournit depuis longtemps des solutions d’identité numérique et de sécurité au Japon, notamment dans le domaine des communications mobiles et des services bancaires », a commenté Cyrille Dupont, directeur pays de Thales au Japon.