Le titre STMicroelectronics a enregistré le jeudi 6 mai à Paris, la plus forte baisse du CAC 40 à la mi-séance. Plus tôt, l’action du géant franco-italien de l’électronique, qui était à 32,54 euros jeudi dernier, a baissé de plus de 2 points ce mardi 4 mai pour s’échanger à 30,06 euros. Cela représente une baisse de près de 8 %. Cependant, ces chiffres ne reflètent pas la santé financière du groupe.
Résultats supérieurs aux attentes
Les bons résultats trimestriels d’une compagnie se reflètent généralement en bourse avec une hausse du cours de l’action. Dans le cas de STMicroelectronics, cela ne s’est pas vraiment passé ainsi à cause sans doute de la différence entre ce que le marché attendait et le résultat réel communiqué par la compagnie.
Les résultats publiés la semaine dernière montrent que STMicro a enregistré un excellent premier trimestre 2021 sur le plan opérationnel. Toutes ses installations ont fonctionné au maximum de leurs capacités et la société a pu déclarer des résultats financiers en hausse.
Portée par une forte demande, la firme franco-italienne a réalisé un chiffre d’affaires de 3,02 milliards de dollars au cours des trois premiers mois de l’année. Cela représente un bond de 35 % en glissement annuel, alors que dans le même temps, le résultat net a pratiquement doublé, progressant de 90 % pour atteindre 364 millions $.
Par ailleurs, STMicro affiche une marge brute de 39 % et des flux de trésorerie de 261 millions à la fin du trimestre. Notons que la société table sur un chiffre d’affaires net de 2,9 milliards au deuxième trimestre, soit un léger recul.
« Pour 2021, nous prévoyons d’investir environ 2,0 milliards de dollars d’investissements pour soutenir la forte demande du marché et nos initiatives stratégiques », a ajouté le PDG, rappelant qu’un investissement de 1,3 milliard a déjà été consenti en 2020 pour « augmenter les capacités de production du groupe ».
Seulement, là où l’humeur du marché a sans doute joué sur son action, c’est son chiffre d’affaires annuel. La compagnie prévoit d’atteindre 12,1 milliards de dollars de CA annuel cette année, soit une hausse de 18,5 % par rapport à 2020, mais surtout une avance de deux ans sur le calendrier initial. Au plus fort de la pandémie l’année dernière, le groupe n’estimait pas pouvoir atteindre les 12 milliards de chiffre d’affaires avant 2023. Néanmoins, il peut compter sur les fondamentaux du marché pour regagner le cœur des investisseurs. En effet, la demande dans son secteur ne risque pas de faiblir tout de suite.
Pénurie de semi-conducteurs jusqu’en 2022
Stellantis, le géant automobile issu de la fusion du français PSA et de l’américain Fiat Chrysler n’a pas pu produire 190 000 véhicules au premier trimestre à cause de la pénurie de puces électroniques. Cette situation commune à toutes les sociétés automobiles depuis quelques mois devrait se poursuivre pendant encore un moment, selon Jean-Marc Chéry, le patron de STMicro, qui est, rappelons-le, l’une des plus grandes sociétés mondiales spécialisées dans la fourniture de ces puces.
Le chef d’entreprise explique qu’en raison de plusieurs facteurs, « il n’y a, à court terme, aucun moyen de résorber la pénurie de semi-conducteurs ». Il faut souligner que la situation actuelle est liée à l’explosion des ventes d’appareils électroniques depuis l’année dernière, en raison du changement de mode de vie et de travail entrainé par la pandémie.
Cette forte demande inhabituelle, combinée à la reprise de la production des véhicules, a donc entrainé la pénurie. En effet, explique M. Chéry, la différence entre la demande et les capacités de production actuelles est tellement importante qu’elle peut durer au moins un an. Il ajoute que « la demande en 2021 est celle qui devait arriver en 2023 ».
Les fabricants ne peuvent donc satisfaire ce besoin de consommation provenant de l’industrie automobile essentiellement. Par ailleurs, d’autres facteurs font que ce déficit ne sera pas comblé tout de suite et sont liés par exemple aux problèmes d’approvisionnement en eau à Taiwan, pays qui abrite les principales usines mondiales de production de puces.
Considérée comme le leadeur international des composants pour les cartes à puce et un grand fabricant de puces électroniques, la société allemande Infineon a également abondé dans le sens d’une pénurie durable, à cause de retards de livraison de ses sous-traitants.
« Nous prévoyons que le déséquilibre entre l’offre et la demande persistera encore quelques trimestres, avec le risque que cela dure jusqu’en 2022 », a avoué Reinhard Ploss, président du directoire du groupe basé à Munich en Bavière. La pénurie de semi-conducteurs a un effet négatif important sur les prévisions de production des principaux groupes automobiles européens, avec Volkswagen, Volvo ou BMW tous affectés par la situation.
STMicro ne va pas s’associer à un « cartel » européen pour les semi-conducteurs
Pour la première moitié de l’année 2021, c’est environ 2,5 millions de voitures qui ne pourront pas être produites, renseigne Infineon. Cependant, l’impact de cette pénurie ne s’arrête pas là, puisqu’elle touche ou touchera d’autres secteurs comme l’aéronautique, avec Airbus, la 5G et les datacenters.
Depuis que la pandémie a affecté les chaines d’approvisionnement de l’Occident dans plusieurs secteurs, les pays européens sont dans un processus visant à réduire leur influence vis-à-vis du marché asiatique. Cette stratégie est également à l’œuvre dans le secteur des semi-conducteurs où l’Union européenne a décidé de reprendre la main.
Sous l’impulsion du Français Thierry Breton, actuellement commissaire européen au marché intérieur, la Commission européenne veut en effet relocaliser les usines de production de puces électroniques sur le vieux continent. Elle compte concentrer, dans les 27 pays que compte l’organisation, au moins 20 % de la production mondiale de semi-conducteurs de dernière génération, d’ici 2030. C’est le double de la production actuelle européenne.
« L’Europe est dans une situation paradoxale où elle consomme beaucoup de ces microprocesseurs, mais en produit trop peu, seulement 10 % de la production mondiale aujourd’hui », note Margrethe Vestager, vice-présidente de la commission de l’UE responsable du numérique. Pour atteindre son but, l’Europe pourrait construire une fonderie avancée de puces, comme celles présentes à Taiwan et en Corée du Sud, deux des pays qui dominent actuellement le marché. Néanmoins, cette stratégie globale qui doit associer les plus grands constructeurs européens n’est pas forcément du gout de STMicro.
Par la voix de son PDG, la société a expliqué qu’il n’y a « pas de raison » de participer à une future alliance européenne dans les technologies avancées de semi-conducteurs, évoquant la part marginale de ce segment sur l’activité globale de la société.
S’il se déclare satisfait de voir l’industrie des semi-conducteurs prendre une place importante dans les préoccupations des gouvernants, M. Chéry assure que son groupe n’a aucun intérêt à faire partie du processus. Cette position peut être liée aux projets propres à la société, mais aussi à une bonne santé financière et opérationnelle.