Il n'est pas fréquent qu'une des principales entreprises de biotechnologie du monde propose de fabriquer le produit d'un concurrent. Mais face au contexte actuel, Sanofi va participer à la production du vaccin Pfizer/BioNTech en attendant les essais cliniques de son propre vaccin contre la COVID-19.
L'action Sanofi, une sous-performance en 2020
Au cours de la dernière année, l'action Sanofi a chuté de 10 %, passant d'environ 88 euros à 78,70 euros. Et ce, malgré le fait que le secteur pharmaceutique a suscité beaucoup d'intérêt.
Un revers majeur dans le développement d’un vaccin COVID-19
Sanofi avait rejoint d'autres entreprises pharmaceutiques dans le programme de développement d'un vaccin contre la COVID-19. Cela promettait de générer des revenus considérables en cas de succès. Le groupe avait collaboré avec le britannique GlaxoSmithKline (GSK) depuis avril 2020 pour ce projet, et ensemble, les deux géants pharmaceutiques disposaient de la plus grande capacité de recherche de vaccins au monde.
Les espoirs étaient si grands qu'en juillet 2020, les États-Unis ont promis de les financer à hauteur de 2,1 milliards de dollars pour le développement du vaccin. Ils concluent des accords d'approvisionnement avec le Royaume-Uni, l'UE et le Canada. Le 28 octobre, les deux groupes ont annoncé qu'ils fourniraient 200 millions de doses de leur candidat vaccin à l'OMS dans le cadre du programme Covax et qu'ils augmenteraient la production pour atteindre un milliard de doses en 2021. Cette annonce a été faite après les essais réussis de la phase 2, en attendant les résultats des essais de la phase 3 en décembre 2020.
Malheureusement, les résultats des essais cliniques ont été décevants, car le vaccin a produit une faible réponse immunitaire chez les personnes âgées. Ce fut un coup dur non seulement pour le vaccin de Sanofi/GSK, mais aussi pour tous les autres fabricants de vaccins qui utilisaient des modèles conventionnels plutôt que des ARN messagers comme celui de Pfizer/BioNTech. En conséquence, Sanofi avait décidé de reporter les essais ultérieurs jusqu'à fin 2021.
Compte tenu de l'investissement réalisé dans le développement d'un vaccin et des espoirs brisés des investisseurs, le titre a subi une baisse à la suite de la nouvelle.
L'industrie pharmaceutique américaine, plus compétitive
Depuis plus de deux décennies, l'industrie pharmaceutique européenne est à la traîne par rapport à celle des États-Unis. L'indice Dow Jones US Pharmaceutical Index (DJUSPR) et le S&P 500 Healthcare Sector SPDR ETF (XLV) se sont tous deux appréciés de 9 % au cours de l'année dernière. Le STOXX Europe 600 Health Care (SXDP) a baissé de 5,5 % au cours de la même période.
Cette sous-performance régionale dans le secteur se reflète sur toutes les entreprises pharmaceutiques européennes. À titre d'exemple, le graphique ci-dessus montre une comparaison des performances en bourse de Sanofi et d'AbbVie, un groupe pharmaceutique américain.
Quelle est la prochaine étape pour Sanofi ?
L'année 2020 n'a pas été bonne pour Sanofi, mais le groupe français a plusieurs fers au feu qui méritent d'être soulignés.
Collaboration avec Pfizer/BioNTech
Pour exploiter sa capacité de production, Sanofi a demandé à Pfizer et à BioNTech son aide pour produire leur vaccin, qui a déjà fait ses preuves. Sanofi prévoit de produire 125 millions de doses de ce vaccin, dont l'UE a désespérément besoin en ce moment.
Auparavant, Pfizer et BioNTech avaient promis de fournir 2 milliards de doses du vaccin en 2021. Cependant, la demande a été largement supérieure à l'offre et Pfizer/BioNTech n'a pas pu suivre le rythme des efforts de vaccination de masse aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Europe. En réaction, les sociétés ont décidé de cesser temporairement de fournir le vaccin à l'UE, malgré une commande de 600 millions de doses.
Pour ne rien arranger, AstraZeneca a averti qu’il ne serait pas en mesure de tenir sa promesse de livrer 100 millions de doses, car le groupe a des soucis sur son site de production.
C’est une décision inhabituelle de la part de Sanofi, qui invite BioNTech à accéder à ses installations de Francfort, mais cela pourrait être une décision sage et consciencieuse. Le PDG du groupe, Paul Hudson, a déclaré que la décision a été prise pour sauver des vies.
L'action Sanofi n'a pas encore connu de regain d'intérêt, mais elle a au moins bénéficié d'une légère hausse suite à l'annonce.
Miser sur l'alliance avec Translate Bio
Sanofi a investi 45 millions de dollars en juin 2018 dans Translate Bio. Cette entreprise thérapeutique travaille sur le développement de vaccins en utilisant la technologie de l'ARNm. En juin 2020, Sanofi avait encore investi 425 millions pour le développement d'un vaccin contre la COVID-19. Des investissements supplémentaires porteraient le coût à 1,9 milliard de dollars et donneraient à Sanofi une participation de 7,2 % dans Translate.
Le programme de Translate n’a pas progressé assez vite . En effet, le groupe n'avait commencé les essais de la phase 1 d’un vaccin COVID-19 qu'en décembre 2020. Néanmoins, ce pari sur l'ARNm par Sanofi il y a trois ans pourrait être bénéfique. Le groupe compte sur ce partenariat avec Translate pour créer un vaccin efficace en 2021.
Sanofi, faut-il acheter son action ?
Les actions de Sanofi sont actuellement sous-évaluées et c’est ce qui fait leur attractivité. Le titre a souffert d'un revirement de sentiment de la part des investisseurs qui ont été déçus par le revers du vaccin COVID, mais les fondamentaux de la société restent solides.
Sous la direction de son PDG, Paul Hudson, Sanofi s'est concentré sur son plan "Play to win" qui repose sur les moteurs de croissance tels que les vaccins et son médicament Dupixent, développé avec le groupe Regeneron.
Au 4e trimestre 2020, les ventes liées aux soins spécialisés (Specialty Care) ont augmenté de 18,3%, grâce à la bonne performance de Dupixent (+54,2% à 982 millions d'euros). La vente des vaccins a augmenté de 14,6 %, grâce à une demande record de vaccins antigrippaux.
Bon nombre d’analystes tablent sur le fait que Sanofi est sous-évaluée, d’autant plus que le groupe n'est pas confronté à l'expiration imminente d'un brevet.