Encore un rendez-vous manqué pour la réforme d’EDF. La grande transformation de l’entreprise française n’aura pas lieu sous Emmanuel Macron, du moins sous ce premier quinquennat qui se termine l’année prochaine. Il est reporté à un hypothétique second mandat du chef d’État, en raison des difficultés rencontrées dans les négociations avec les différents partenaires et acteurs impliqués. Explications sur le projet Hercule, ses motivations et ses possibles conséquences pour la fourniture de l’électricité en France.
L’enfer est pavé de bonnes intentions
Depuis le mercredi 28 juillet, le gouvernement français a indiqué, par le biais de différentes sources, le report de sa réforme d’EDF. Le projet de loi qui devait contenir les grandes lignes de cette transformation structurelle de l’énergéticien français ne sera plus finalement présenté devant les parlementaires au Palais Bourbon, faute d’une entente avec Bruxelles. « Il n’est pas envisageable de soumettre un projet de loi au Parlement si les grands principes n’ont pas fait l’objet d’un accord préalable », explique une source au gouvernement.
C’est un projet censé « sauver » EDF qui risque donc de ne jamais voir le jour. Pourtant, à première vue, le projet Hercule, rebaptisé plus tard « Grand EDF » semble plutôt intéressant. Dans son objectif général, il doit assurer la survie du groupe dans le processus de transition énergétique, face aux autres grands acteurs du secteur comme l’espagnol Iberdrola, l’italien Enel ou encore les groupes pétroliers TotalEnergies ou BP. Pour répondre à cette évolution du marché, le projet prévoit la création de trois branches issues de l’actuelle EDF. Il s’agirait d’EDF bleu, EDF vert et EDF azur.
La première société (bleu) va rassembler les centrales nucléaires et le réseau de transport public. EDF Bleu sera une entreprise publique, car le gouvernement souhaite conserver tout pouvoir sur le nucléaire, jugé comme secteur stratégique et d’intérêt national. La deuxième société sera EDF vert qui chapeautera toutes les activités commerciales, la fourniture de l’électricité et les énergies renouvelables. Elle sera le fer-de-lance d’EDF pour les énergies solaire et éolienne, en attirant potentiellement des investisseurs pour le développement des parcs éolien et solaire français. Notons que cette société sera également cotée en bourse. Enfin, la dernière section, EDF azur, s’occupera des barrages hydroélectriques qui seront mis en régime de concession.
Il faut souligner que cette séparation permettra notamment à la France de revoir le prix de l’électricité, qui est actuellement fixe et bon marché. EDF pourrait s’aligner sur les prix pratiqués actuellement par ses concurrents sur le marché. De quoi soulager un peu financièrement l’entreprise qui fait face à de grandes difficultés. En dehors d’une dette de 37 milliards d’euros, EDF se heurte en effet à un investissement de 100 milliards d’euros sur les dix prochaines années. Selon la Cour des comptes, ces fonds seront utilisés pour le démantèlement de certaines centrales en fin de vie ou la construction de nouveaux réacteurs.
Une réforme controversée
Malgré cet intérêt manifeste, plusieurs opposants sont contre cette réforme. Membres de l’opposition politique, syndicats et même Bruxelles, les obstacles qui se dressent sur la route de la refonte de l’énergéticien français sont de taille, depuis les débuts de cette réforme en 2018. C’est sans doute pour ces différentes raisons que l’information parue dans la presse ces derniers jours concernant le report de la réforme n’a surpris personne. Depuis trois ans, le gouvernement d’Emmanuel Macron tente pourtant de faire passer cette transformation dénommée projet Hercule, et qui situe bien sûr la tâche gigantesque que représente la réorganisation d’EDF.
Avec la Commission européenne de la concurrence, les négociations ont notamment buté sur la volonté française de maintenir EDF dans une sorte d’intégration. Pour Bruxelles en revanche, une séparation plus distincte est nécessaire pour se conformer aux règles de la concurrence, une option non envisageable pour l’Élysée.
Ensuite l’opposition politique, La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, le Parti communiste français, le Parti socialiste ou encore Les Républicains sont tous contre le projet Hercule, pour diverses raisons allant de la souveraineté de la France aux problèmes sociaux que la transformation pourrait créer. En décembre 2020, Valérie Rabault, la cheffe des députés PS au parlement, évoquait même une proposition de référendum d’initiative partagée pour contrer le projet. Les potentiels problèmes sociaux inquiètent surtout les syndicats qui craignent pour la survie des emplois. La réforme aurait créé, selon eux, des disparités dans le rendement des différentes entités issues d’EDF, entraînant à terme des plans de restructuration et de suppression des emplois. La CFDT, la CGT, FO et la CFE-CGC, les quatre principales confédérations syndicales françaises n’ont pas par exemple hésité, en janvier dernier, à appeler le président Macron à abandonner son projet.
« Face à un projet Hercule conçu sur des fondamentaux strictement financiers et conduisant de fait à la désintégration de leur entreprise, les salariés du groupe EDF n’ont pas hésité à se mobiliser massivement en affichant leur opposition », indiquaient-ils alors.
Débat public et dialogue avec les salariés sont des options que ces syndicalistes ont proposées et qui pourraient bien devenir nécessaires à l’avenir, si le prochain régime décide de revenir sur cette réforme.
Résultats financiers optimistes à EDF
En attendant une possible réforme, l’énergéticien français ne se porte pas si mal. EDF a présenté jeudi 29 juillet ses résultats financiers pour le premier semestre 2021. L’entreprise enregistre un bénéfice net de 4,17 milliards d’euros. C’est une belle performance comparée à la perte nette de 701 millions € enregistrée pour la même période en 2020. Le chiffre d’affaires d’EDF a également bondi de 14,1 % pour atteindre 39,6 milliards d’euros, alors que l’EBITDA a connu une croissance organique de près de 30 % en glissement annuel pour atteindre 10,6 milliards d’euros.
« Le premier semestre 2021 marque le retour à la croissance de notre chiffre d’affaires et de nos marges après une année 2020 en retrait en raison de la crise sanitaire. Ces résultats en forte progression traduisent notamment une bonne performance opérationnelle en France et nous projettent avec confiance dans la suite de l’année », a commenté Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF.
Notons que ces bons résultats s’expliquent par l’augmentation de la production nucléaire en France. Elle a atteint 181,7 TWh, en hausse de 7,7 TWh comparés aux six premiers mois de l’année 2020. La demande a en effet augmenté, porté par un climat plus froid et des prix du gaz plus élevés. Pour l’ensemble de l’année, EDF prévoit un EBITDA de près de 18 milliards d’euros et compte poursuivre la réduction de ses charges opérationnelles l’année prochaine, avec 500 millions € d’économie. L’entreprise continuera également la cession de 3 milliards d’euros d’actifs entreprise sur la période 2020-2022.