Malgré pressions et difficultés, Binance poursuit sa transformation en société régulée

Malgré pressions et difficultés, Binance poursuit sa transformation en société régulée

Sous la pression des régulateurs depuis quelques mois, la plateforme d’échanges internationale Binance fait désormais face à la colère de ses propres utilisateurs. Des centaines d’entre eux réclament en effet des millions de dollars en dommages et intérêts pour les pertes qu’ils ont subis en raison de pannes techniques de la plateforme de cryptomonnaies. Pour atteindre leur objectif, les utilisateurs ruinés de Binance se sont même rassemblés en un collectif qui a obtenu le soutien d’un grand cabinet juridique suisse.

Arbitrage international à Hong Kong

C’est l’une des plus grandes peurs des amateurs de cryptomonnaies. Voir leur investissement s’envoler en fumée. Si la tristesse est déjà grande, elle se transforme en colère quand les pertes ne sont pas liées au marché, mais aux problèmes techniques de la plateforme d’échanges. C’est ce qui arrive aux utilisateurs américains de Binance qui, depuis quelques mois, ont perdu des millions de dollars en cryptomonnaies à cause de pannes de la plateforme.

En mai, plusieurs clients de Binance ont en effet remarqué que la plateforme rencontrait des problèmes et ont essayé de fermer leur compte pour récupérer leur investissement. Malheureusement, la plateforme a fermé certains comptes et demandé aux utilisateurs d’en créer de nouveaux pour transférer leur capital, ce que certains ont essayé sans succès. Plus grave encore, des utilisateurs ont voulu fermer leurs positions pour limiter les pertes après l’effondrement des cours des cryptomonnaies. Mais, incapables d’accéder à leurs comptes, ils n’ont rien pu faire et ont subi des pertes.

Furieux, les centaines d’utilisateurs de Binance affectés ont tenté de contacter la plateforme pour réclamer réparation, mais n’ont pu récupérer qu’une infime partie de leurs pertes. Décidés à traduire en justice l’entreprise afin de récupérer leurs gains, ils se sont rendu compte que les conditions d’utilisation qu’ils ont acceptées en amont les empêchent d’intenter un recours collectif aux États-Unis. La seule solution est le recours à un arbitrage international, précisément au Centre d’arbitrage international de Hong Kong. Le coût d’une affaire y est de 65 000 $, ce qui rend l’ouverture d’une procédure quasi impossible pour la plupart des utilisateurs. En effet, ce sont avant tout de petits investisseurs qui n’ont pas les moyens de survivre financièrement à une procédure longue et coûteuse.

Ces utilisateurs désespérés ont donc accueilli avec espoir l’arrivée du cabinet suisse Liti Capital, spécialisé en financement de litiges. Elle a décidé de représenter tous les utilisateurs affectés et promis 5 millions pour mener la procédure d’arbitrage international. Elle a engagé le prestigieux cabinet d’avocats White & Case basé à New York, pour représenter les victimes. Notons qu’au terme de l’affaire, la société va récupérer 30 % des gains liés aux dommages et intérêts qui seront potentiellement versés aux victimes.

Les autres difficultés de Binance

DNB

Dans un communiqué publié sur son site web le 18 août, la Banque centrale des Pays-Bas (DNB) est devenue l’un des derniers régulateurs à menacer Binance. L’institution a indiqué que la plateforme menait ses activités dans le pays « sans l’enregistrement légal requis auprès de DNB ».

« Cela signifie que Binance n’est pas en conformité avec la loi sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme […] et qu’elle offre illégalement des services d’échange entre monnaies virtuelles et fiduciaires et qu’elle propose illégalement des portefeuilles de garde », a ajouté la Banque centrale.

L’institution a également mis en garde les clients locaux de Binance des risques auxquels ils font face en faisant confiance à Binance pour leurs transactions. Ce n’est pas la première fois que la plateforme est ainsi dénoncée par les autorités. Elle subit depuis plusieurs mois des attaques de la plupart des régulateurs mondiaux, aussi bien en Europe (Allemagne, France, Royaume-Uni), qu’aux États-Unis et en Asie.

Sur le plan de la mobilisation du financement, Binance a également rencontré des difficultés avec notamment l’annulation d’une levée de fonds de 100 millions de dollars par son entité américaine. Ces différentes difficultés ont conduit le DG de Binance US, Brian Brooks, en place depuis seulement trois mois, à abandonner le navire au début du mois d’août.

« Je vous informe que j’ai démissionné de mon poste de PDG de @BinanceUS. Malgré les différences sur la direction stratégique, je souhaite à mes anciens collègues beaucoup de succès », a-t-il indiqué dans un tweet posté le 6 août.

Binance reste leader des plateformes de cryptomonnaies

Binance

Si les rappels à l’ordre des régulateurs financiers à travers le monde s’inscrivent dans un contexte plus large visant à réprimer les cryptomonnaies, c’est aussi la taille de Binance qui lui vaut ces attaques. Binance est en effet la plus grande plateforme d’actifs numériques au monde, quand on considère le volume de transactions. En janvier dernier, en pleine envolée du cours des monnaies numériques, la plateforme enregistrait un record inédit, celui de 80 millions de dollars en 24 heures de négociations. Une première depuis le lancement de Binance en 2017. Ce développement important s’accompagne de difficultés que la plateforme essaye de résoudre au quotidien.

« Nous avons constaté des problèmes d’extension aujourd’hui. Nous en verrons probablement d’autres à mesure que nous continuerons à nous développer. Nous ne sommes pas parfaits, mais nous les réglerons aussi vite que possible », expliquait le PDG et fondateur de Binance, Changpeng Zhao, lors du pic du volume des transactions en janvier.

Des avancées non négligeables

Vendredi 20 août, Binance a annoncé de nouvelles mesures visant à renforcer la sécurité des transactions et la traçabilité des utilisateurs. Il faut savoir que ce manque de traçabilité demeure l’un des motifs de discorde de la plateforme avec les autorités, qui évoquent des délits de blanchiment d’argent et de fraude grâce aux actifs financiers numériques. Désormais, les utilisateurs devront fournir une preuve d’identité, à savoir un selfie et une copie d’une pièce d’identité officielle.

« À compter d’aujourd’hui, tous les nouveaux utilisateurs sont tenus d’effectuer une vérification intermédiaire pour accéder aux produits et aux offres de services Binance, y compris les dépôts, les transactions et les retraits de cryptomonnaies », indique la société.

Notons que cette mesure concerne aussi bien les utilisateurs existants que ceux souhaitant créer un compte pour la première fois. Binance progresse ainsi lentement mais sûrement, vers une société de services financiers réglementée et régulièrement enregistrée, suivant le vœu de ses dirigeants.

« Nous sommes en train de passer d’un innovateur technologique à une société de services financiers, nous devons donc être pleinement conformes. », explique M. Zhao auprès de Bloomberg, précisant que sa société allait s’activer pour obtenir les licences requises pour exercer dans la légalité complète. Finalement, la pression des régulateurs aura donc permis à la société de se renforcer afin de ne pas disparaître.