Après avoir fait face à une pression accrue de la part de certains investisseurs, le conseil d’administration de Danone a accepté de séparer les rôles de président et de directeur général. Les deux postes étaient occupés par Emmanuel Faber, mais sa performance a récemment fait l’objet de critiques qui ont obligé le conseil à s’incliner sous la pression.
Selon les investisseurs à l’origine de ce changement, Danone est à la traîne par rapport à la concurrence depuis des années et a besoin d’une nouvelle direction. Nous nous sommes demandé quel serait l’impact de ce changement de direction de l’entreprise et ses performances financières.
La dernière décennie chez Danone
Emmanuel Faber à la tête de Danone
Emmanuel Faber est devenu le PDG de Danone en octobre 2014, succédant à Franck Riboud après avoir été promu PDG adjoint. M. Riboud a conservé son poste de président pendant une période de transition jusqu’en décembre 2017, date à laquelle M. Faber est également devenu président de la société. L’un des objectifs de Faber à la tête de Danone était de mettre l’accent sur la responsabilité sociale et environnementale, un point de vue qui ne fait pas l’unanimité auprès des investisseurs.
L’une des mesures prises a été un investissement de 2 milliards d’euros annoncé en février 2020 pour créer un modèle économique axé sur le climat, avec pour objectif d’atteindre un taux de recyclage des bouteilles de 100 % dans les activités du groupe en Europe d’ici 2025. En effet, d’ici 2025, Danone est en passe de devenir une entreprise certifiée B en rapport aux normes d’identification de la transparence, de la responsabilité juridique, de la performance sociale et environnementale d’une entreprise. Lors d’une interview chez Fortune, Faber a déclaré que l’entreprise n’existait pas seulement pour faire du profit.
Malgré les objections des actionnaires, les objectifs de Faber semblent avoir été atteints puisque Danone est l’une des dix premières entreprises en matière de responsabilité environnementale sur près de 7 000 entreprises du Carbon Disclosure Project. En outre, son conseil d’administration est l’un des plus diversifiés, avec 42 % de femmes, et 30 % parmi les cadres de l’entreprise.
La performance financière de Danone
Outre l’accent mis sur le développement durable, Danone n’a pas perdu de vue son cœur de métier et a réalisé un chiffre d’affaires de 23,6 milliards d’euros en 2020. Il s’agit d’une baisse de 6,6 % en données brutes et de 1,5 % en données comparables, contre 25,2 milliards d’euros en 2019. Le bénéfice par action (BPA) récurrent a chuté de 13 %, passant de 3,85 € en 2019 à 3,34 € en 2020.
Mais le plus grand coup subi par l’entreprise a été la chute de près d’un quart du cash-flow libre, qui est passé de 2,5 milliards d’euros en 2019 à 2 milliards d’euros en 2020, et c’est ce qui a nécessité une restructuration de la direction. Cette baisse a été attribuée à des résultats mitigés sur les marchés émergents, auquel Danone est exposé, contrairement au modèle Local First, plus efficace, sur d’autres marchés. Cela explique pourquoi le groupe a fait plus de ventes au quatrième trimestre en Europe et en Amérique du Nord.
Néanmoins, Danone va continuer à distribuer un dividende de 1,94 euro par action pour la date ex-dividende du 10 mai 2021, avec un taux de distribution de 58 %. Bien que ce montant soit inférieur de 8 % aux dividendes de 2019, il démontre la confiance de la société en une croissance future malgré la crise de la COVID-19.
Une nouvelle direction ?
Depuis que Faber est devenu PDG en 2014, le cours de l’action Danone s’est apprécié d’environ 8 %, une progression assez faible par rapport à ses concurrents Nestlé et Unilever qui ont chacun connu une hausse de 50 % et 73 % respectivement. Et c’est cette différence de performance qui a incité plusieurs investisseurs à demander la restructuration de Danone.
Le fonds Bluebell Capital Partners a été le plus loquace sur la nécessité de changement, allant jusqu’à écrire une lettre au conseil d’administration de Danone en novembre 2020. Les détails de la lettre ont été révélés par MarketWatch, dans lequel Bluebell cite un rendement de 21 % pour les actionnaires de Danone, ce qui est faible comparé au secteur alimentaire Stoxx Europe 600 avec 56 %, à Nestlé avec 97 % et à Unilever avec 101 %. La lettre poursuit en mettant en garde contre la concurrence imminente d’« innombrables startups » et de « nombreuses grandes marques ».
Ce n’est pas la première fois que des investisseurs poussent une entreprise alimentaire à restructurer ses activités. En 2018, Daniel Loeb du fonds spéculatif Third Point a poussé Nestlé à réduire certaines de ses activités aux États-Unis. Depuis lors, Nestlé s’est allégé et ses performances se sont améliorées, alors peut-être que c’est maintenant au tour de Danone de changer de cap.
Le nouveau rôle d’Emmanuel Faber
Le premier changement sera la séparation des rôles de PDG et de président de l’entreprise. En fait, Bluebell Capital et Artisan Partners avaient fait pression pour l’éviction de Faber, mais se sont finalement contentés de faire de Faber un président non exécutif. Pour l’instant, alors que la société cherche un PDG pour remplacer Faber, ce dernier continue de détenir les deux titres. En outre, Jean-Michel Severino, qui siège au conseil d’administration depuis 2011, deviendrait le principal administrateur indépendant, tandis que Gilles Schnepp, un ancien de Legrand, et Cécile Cabanis se partageraient le titre de vice-président.
Laisser tomber certaines exploitations
Tout comme Nestlé a été contraint de se défaire d’une partie de ses activités, Danone va vendre sa participation dans China Mengniu Dairy Co. Le groupe a investi pour la première fois dans la société laitière chinoise en 2013 et y détient une part de 9,8 %. La valeur comptable de cette participation s’élève à 2 milliards de dollars, mais elle n’est pas détenue directement par Danone. Il s’agit plutôt d’un investissement indirect en association avec COFCO Corp. Pour s’en défaire, Danone devra convertir l’investissement en une participation directe. Une fois la vente réalisée, les fonds seront utilisés dans des rachats d’actions pour récompenser les investisseurs.
Cette décision a probablement été prise parce que les investisseurs s’attendaient à ce que Mengniu subisse une baisse de 17 % de ses bénéfices pour l’année 2020. Selon Danone, la Chine restera « hautement stratégique » pour l’avenir de l’entreprise. Cela semble probable puisque la croissance des ventes a été nettement améliorée par les ventes dans le reste du monde au cours du quatrième trimestre, passant de -4,1 % à -1,9 %, notamment en Chine. Toutefois, Danone continuera probablement à vendre des participations plus petites, comme les activités de production de protéines en poudre Vega en Argentine.