Le baril de WTI (West Texas Intermediate) a atteint un record annuel de 73 dollars, atteignant ainsi son plus haut niveau depuis plus de deux ans. Cette progression peut être considérée comme le point d’orgue d’une série de fluctuations à la hausse du prix du pétrole le mois dernier. Malgré la course vers les énergies vertes, l’or noir bénéficie donc toujours d’une bonne cote sur les marchés, en raison de deux grands facteurs que sont le retour de la demande et les efforts des pays producteurs.
Le renouveau du pétrole
Cette amélioration globale est liée, il faut le souligner, à la conjonction de plusieurs facteurs.
Le premier concerne la politique de contrôle de la production mise en œuvre par les pays producteurs membres de l’OPEP (Organisation des pays producteurs et exportateurs de pétrole). L’année dernière, la pandémie de Covid-19 a entraîné une baisse de la consommation et un surplus énorme dans les réserves de pétrole, conduisant même pendant quelques instants le cours du pétrole en zone négative.
Le cartel que constitue l’OPEP a donc décidé de réduire la production sur une certaine période, le temps que les réserves accumulées pendant la période de restrictions soient consommées. Fruit de cette politique, les pays développés ont vu leurs stocks de pétrole tomber sous leur plus bas niveau depuis février 2020, à en croire les données de l’Agence internationale de l’Énergie (AIE).
Cette chute des stocks met aussi en évidence un autre fait important : le regain de la demande mondiale. Avec les campagnes de vaccination en cours dans les pays industrialisés, les restrictions s’assouplissent et les consommateurs reprennent progressivement leurs habitudes. La réouverture des commerces, les sorties au cinéma ou encore le simple fait d’aller manger au restaurant par exemple sont des activités que des pays comme la France autorisent désormais depuis quelques semaines. À cela, il faut ajouter la reprise de la production industrielle induite par la relance des activités économiques.
Cet ensemble de facteurs incite les analystes à miser sur une consommation encore plus soutenue de pétrole. « La demande dans un an environ pourrait bien revenir au niveau d’avant la crise », note ainsi Fatih Birol, DG de l’AIE.
Signe de cette confiance en une hausse durable de la demande, les pays membres de l’OPEP ont convenu d’augmenter progressivement la production de pétrole. Il s’agit d’une hausse de 2,1 millions de barils par jour entre mai et septembre. Cette nouvelle politique permettra d’adapter l’offre à l’amélioration de la demande, tout en restant prudent afin de maintenir le baril dans une fourchette de prix bénéfique au cartel. Les analystes de Goldman Sachs estiment que si tous ces voyants restent au vert, le prix du baril de pétrole pourrait atteindre 80 $ d’ici la fin de l’année.
L’adoption rapide des énergies vertes n’a pas encore lieu
L’année dernière, la chute drastique de la demande de pétrole a pu faire croire que sa disparition était proche. Les défenseurs de l’environnement ont plaidé pour que le monde prenne conscience du caractère néfaste de l’or noir pour le climat et investisse davantage dans les énergies vertes. Il est donc intéressant de noter que la hausse des prix du baril intervient dans ce contexte.
D’ailleurs, alors que l’AIE a indiqué ce mois que la demande pétrolière reviendrait à 100 millions de barils par jour d’ici l’année prochaine, la même organisation militait le mois dernier pour la fin du pétrole ; ironique ! Dans un rapport publié le 18 mai, l’Agence préconisait en effet l’arrêt immédiat de tout nouvel investissement dans l’exploitation des énergies fossiles, afin de limiter le réchauffement climatique et préserver le climat. Une demande qui n’est pas du tout du goût des pays producteurs représentés par l’OPEP. Ils ont ainsi souligné il y a quelques jours le danger qu’une telle voie représenterait pour l’économie mondiale : hausse des prix du pétrole du fait de la raréfaction du pétrole, chute des bénéfices des pays producteurs, etc.
Pourtant, le développement des énergies vertes poursuit tant bien que mal son chemin. En matière d’avancées récentes, notons ainsi le palier symbolique, mais historique atteint par le solaire aux États-Unis, 2e pays en matière de capacité de production. La capacité de production d’électricité de cette énergie renouvelable a doublé au cours des trois dernières années pour atteindre plus de 100 gigawatts en 2021.
Au cours des trois premiers mois de l’année, le solaire a ainsi représenté 58 % de toutes les nouvelles capacités électriques au pays de l’Oncle Sam. Notons également la belle année vécue par l’éolien en 2020. L’année dernière, ce sont en effet 93 gigawatts supplémentaires qui ont été ajoutés au réseau mondial, selon un rapport du Conseil mondial de l’énergie éolienne (GWEC). Cela porte la puissance totale de l’éolien à 743 GW dans le monde.
Les défis encore à relever par le secteur des énergies vertes
Malgré ces données positives, il faut remarquer que le chemin à parcourir pour faire du renouvelable la première source d’énergie dans le monde est encore long. Malgré les promesses des politiques et des banques, on note en effet la poursuite des investissements massifs dans les énergies fossiles, ce qui prive donc les énergies vertes des fonds nécessaires pour continuer leur croissance. Cela rend d’autant plus difficile la démocratisation du solaire ou de l’éolien entre autres, à cause du coût élevé que son adoption représente pour les consommateurs.
« Nous nous réveillons avec l’amère réalité que les promesses de la politique climatique de ces dix dernières années n’ont été pour la plupart que des paroles en l’air. La part des combustibles fossiles dans la consommation finale d’énergie n’a pas bougé d’un pouce », regrette Rana Adib, directrice générale de REN21 réseau politique français facilitant l’échange autour des énergies renouvelables.
Par ailleurs, les produits essentiels à cette industrie connaissent une hausse sur le marché mondial, à cause de la forte demande qu’entraînent plusieurs secteurs, dont celui des énergies renouvelables. Le cuivre a atteint récemment plus de 10 000 $ la tonne alors que les prix de l’acier ont aussi grimpé en flèche, portée par la hausse du minerai du fer. Les coûts du fret sont aussi en hausse, alors que la course aux compétences qualifiées se poursuit. En effet, l’offre de main-d’œuvre disponible dans le secteur des énergies renouvelables n’est pas encore à la hauteur des besoins des compagnies présentes dans le domaine.