Le mercredi 24 février à la bourse de New York, l’action GameStop a subitement marqué une hausse de plus de 100 % et s’est négociée jusqu’à 177 dollars, contre 45 dollars environ la session d’avant. Le marché s’attendait à une baisse aussi rapide, mais le titre s’est stabilisé autour de 100 dollars en fin de semaine.
La nouvelle hausse fait suite à l’annonce, la veille, de la démission du directeur financier de la société Jim Bell. Ce dernier, qui doit rendre son tablier le 26 mars, aurait des points de vue divergents avec un nouveau membre du conseil d’administration, l’activiste Ryan Cohen.
Les raisons de cette nouvelle fièvre
Pour comprendre le lien entre la démission du CFO de la société et la nouvelle hausse soudaine du cours de l’action GameStop, il faut se référer aux nouvelles ambitions de la compagnie de jeux vidéo. Porté notamment par la volonté de son nouvel actionnaire, le charismatique Ryan Cohen et son partenaire RC Ventures, le groupe souhaite en effet « accélérer sa transformation ».
Il veut notamment passer de ses nombreux magasins de ventes (environ 7 000 magasins répartis dans le monde actuellement) à des sites de e-commerce pour la vente en ligne. Or, ce nouvel axe de croissance ne correspondrait pas totalement à la philosophie plus « traditionnelle » du directeur financier et également vice-président exécutif de la société. Sa démission est donc considérée comme la chute d’un obstacle majeur aux nouveaux rêves de GameStop. Cette hypothèse est émise par le site Business Insider, qui évoque des sources proches du dossier qu’il ne divulgue pas. Plusieurs analystes sont allés dans ce sens.
Selon Joseph Feldman de Telsey Advisory Group, il est possible que certains aient pris la démission de M. Bell comme un bon signe, en cela que RC Ventures ferait déjà le nécessaire dans la société afin d’accélérer la transition vers le numérique. Même son de cloche du côté de Stephanie Wissink, analyste à Jefferies Research. Cette dernière estime que la compagnie cherche désormais un directeur financier possédant une expérience plus solide dans le domaine de la technologie.
Dans une note datée du 23 février 2021 adressée à la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme américain de la bourse, GameStop précise pourtant qu’il n’en est rien. Selon la société, cette démission n’est pas le fruit d’un désaccord sur des questions d’ordre opérationnel, politique, ou encore une question liée aux pratiques.
Notons néanmoins que cela n’a guère émoussé l’ardeur des (nouveaux) investisseurs. Il faut souligner qu’il ne s’agit ni de la première hausse soudaine du cours de GameStop ni de la plus importante. Sous l’impulsion de plusieurs évènements inédits, l’action de la compagnie a battu des records en bourse il y a à peine un mois, surprenant les courtiers les plus avisés dans ce que la presse économique appelle désormais « l’Affaire GameStop ».
Dans la lignée de cette affaire, la hausse de cette semaine a augmenté les pertes pour les investisseurs qui continuent de parier contre GameStop et les vendeurs à découvert. Certains analystes se basent sur cela pour tabler sur le fait que le rallye pourrait être en partie alimenté par la crainte de parier contre GameStop.
Retour sur la fameuse hausse de 1600 %
Tout part fin 2020 d’une décision plutôt banale pour des hedge funds, notamment Melvin Capital et Citron Research, de spéculer sur la baisse du cours de l’action GameStop et la disparition prochaine de la société qui devrait s’en suivre. Les raisons qui motivent ce choix tiennent principalement à de mauvais résultats financiers dans l’ensemble, liés en partie par la difficulté pour le groupe de faire des ventes en magasin à cause des mesures de confinement.
Plusieurs amateurs de jeux vidéo prennent néanmoins cela pour une attaque destinée à faire un vendeur de jeux vidéo de moins ! La réaction ne se fait pas attendre. Organisés sur le réseau social Reddit, notamment le sous-reddit WallStreetBets, ils sont des milliers d’investisseurs particuliers à se lancer dans une campagne à contre-courant des prévisions faites par les investisseurs institutionnels.
Certains observateurs ont même assimilé ce phénomène soudain et inédit à un remake moderne de la lutte entre Robin des Bois et le shérif de Nottingham. Les investisseurs amateurs ont investi au total plusieurs millions dans l’achat des actions de la société, ce qui a naturellement fait grimper le cours de GameStop qui atteint des sommets que rien de tangible ne justifie. À la fin janvier, le titre s’échangeait à 350 dollars, contre 21 dollars un mois plus tôt, soit une hausse de 1 600 % environ !
Cela a fait perdre des millions de dollars aux deux principaux fonds spéculatifs qui avaient shorté GameStop, notamment Melvin Capital et Citron Research. Alors qu’ils s’attendaient à engranger des bénéfices grâce à la vente à découvert, le premier s’est par exemple retrouvé obligé de lever 2,75 milliards dollars auprès d’autres investisseurs afin de couvrir les pertes enregistrées sur l’action GameStop.
L’envahissement de la bourse par ces petits négociants a bouleversé pendant quelques semaines le fonctionnement des marchés financiers américains. Cela a même conduit à une enquête et une audition publique des principaux concernés par le Congrès des États-Unis. Les parlementaires ont voulu mi-février s’assurer que le vent de panique semé à Wall Street n’était pas une action destinée à manipuler le marché afin d’en tirer de quelconques bénéfices personnels.
Il faut souligner après cette première fièvre impulsée par les boursicoteurs, l’action est progressivement retombée depuis le 27 janvier. Elle se négociait à 40 dollars il y a une semaine. Il est donc légitime de se demander combien de temps durera cette nouvelle hausse soudaine.
Hausse passagère ou tendance durable ?
La nouvelle hausse du cours de l’action GameStop est interprétée de diverses manières. Si certains estiment que ce sont les derniers soubresauts du mouvement Reddit et que le titre devrait chuter dans les prochains jours, d’autres préfèrent y voir un début de renouveau pour la compagnie de jeux vidéo. Elle peut en effet exploiter l’engouement suscité et l’intérêt actuel pour lancer d’autres services afin d’assurer sa pérennité.
« La leçon des derniers mois, c’est que les gens aiment bien les jeux vidéo et adorent parier […] GameStop doit fournir à ses clients une plateforme pour parier sur le e-sport », indique Andrew Left, fondateur de Citron Research. Ce revirement est révélateur de la perception que le marché pourrait désormais avoir de l’entreprise, si seulement elle se donnait les moyens de réussir.
Il faudra notamment confirmer le changement de politique vers davantage de digitalisation. La pandémie de COVID-19 a accru la demande de services numériques. Les plateformes de streaming pour le divertissement rencontrent un succès encore plus important. Le numérique est ainsi la voie à prendre pour les acteurs traditionnels de la distribution de jeux vidéo.