En pleine pénurie de semi-conducteurs sur le marché mondial, le géant américain Ford a annoncé une bonne nouvelle en fin de semaine dernière. Le constructeur automobile a en effet fait part de la conclusion d’un accord avec GlobalFoundries pour « s’attaquer à l’offre de puces automobiles et répondre à la demande croissante ». Une nouvelle qui intervient alors qu’un autre partenariat de Ford a du plomb dans l’aile…
Renforcer l’approvisionnement en semi-conducteurs
GlobalFoundries (GF) est l’un des leaders mondiaux dans la fourniture de semi-conducteurs, grâce à une combinaison « unique » de services mêlant conception, développement et fabrication du produit. Ford a noué une collaboration dite stratégique avec cette entreprise afin de capitaliser sur son expérience pour relancer l’approvisionnement en puces, non seulement pour les véhicules de la marque, mais aussi pour toute l’industrie automobile outre-Atlantique.
Depuis fin 2020, les constructeurs automobiles et d’autres géants du secteur de la tech (fabricants de jeux vidéo, de smartphones, etc.) sont victimes d’un déficit inédit sur le marché à cause de l’explosion de la demande pour les outils numériques en pleine pandémie de Covid-19. Cela a même affecté la performance de plusieurs constructeurs, avec Volkswagen et Stellantis qui n’ont pas pu produire chacun 600 000 véhicules au troisième trimestre, par exemple.
Un accord non contraignant a donc été signé, et il devrait déboucher sur la création d’une chaîne d’approvisionnement supplémentaire pour la gamme actuelle des véhicules Ford. De plus, les deux nouveaux partenaires ont convenu de collaborer dans la recherche et le développement, afin d’innover avec des puces toujours plus adaptées aux besoins d’un marché en perpétuelle mutation. Les nouvelles puces demandées par les constructeurs doivent en effet embarquer davantage de fonctionnalités à chaque fois.
Ainsi, GlobalFoundries et Ford envisagent de travailler sur des semi-conducteurs compatibles avec les systèmes d’aide à la conduite ou Advanced Driver Assistance Systems (ADAS). À terme, l’ADAS promet une conduite 100 % automatisée et les deux partenaires veulent donc proposer des systèmes de gestion de la batterie ou des réseaux embarqués dans ces véhicules, « pour un avenir automatisé ». En dehors de la fourniture de ces différents axes de partenariat, notamment la fourniture immédiate de puces à Ford, la collaboration portera aussi, apprend-on, sur la mise en place de capacités supplémentaires afin d’approvisionner les autres constructeurs, mais la manière dont cela se fera n’a pas été dévoilée.
« Il est essentiel que nous créions de nouveaux modes de collaboration avec les fournisseurs pour donner à Ford - et à l’Amérique - une plus grande indépendance dans la fourniture des technologies et des fonctionnalités que nos clients apprécieront le plus à l’avenir », a déclaré Jim Farley, PDG de Ford, ajoutant que cet accord avec GF n’est que le début.
Plus de véhicule électrique commun avec Rivian
Le début d’une ère sonne la fin d’une autre. Alors que son partenariat avec GF est sur les rails, Ford a annoncé la fin de sa collaboration avec la start-up Rivian dans le but de produire des véhicules électriques. C’est au cours d’une interview accordée à Automotive News par le PDG Jim Foley et publiée le 19 novembre. Dans la foulée, le groupe a diffusé un communiqué qui indique que la décision « mutuelle » des deux parties de se concentrer sur leurs propres projets et livraisons fait suite à la révision à la hausse par Ford de sa stratégie en matière de VE alors que la demande pour les véhicules Rivian a augmenté.
Faut-il le rappeler, le partenariat entre le vétéran Ford et le nouveau venu Rivian date de 2019, quand le géant de Dearborn dans le Michigan a investi 500 millions $ dans la jeune pousse de l’époque. Elles envisageaient alors de renforcer cette association en collaborant sur la production de véhicules électriques. Depuis, Rivian, axée sur l’électrique, a réalisé la plus grande entrée en bourse depuis 2014 sur le Nasdaq, avec une capitalisation record de 106 milliards $, loin devant Ford (77 milliards $), et même General Motors (85 milliards $). Selon le PDG M. Foley, la situation d’aujourd’hui diffère de celle prévalant au moment où l’entreprise a investi, notamment en matière de capacités, direction, projets et stratégies.
Augmenter la production annuelle de voitures électriques
Pendant ce temps, Ford poursuit en effet sa stratégie de croissance dans l’électrique. Elle veut notamment générer 40 % à 50 % de ses revenus grâce à ce secteur d’ici 2030. Pour y arriver, la société envisage d’augmenter de façon très importante sa production annuelle de véhicules électriques (VE). Dans une série de tweets, Jim Foley a ainsi fait part du nouvel objectif : « Nous prévoyons maintenant de produire 600 000 véhicules électriques par an dans le monde d’ici la fin de 2023. C’est 2 fois notre plan initial ». Cela représenterait alors, apprend-on, 10 % de la production totale de véhicules Ford.
Comme la plupart des constructeurs traditionnels, Ford enchaîne les investissements. Aux États-Unis, 11,4 milliards $ seront ainsi consacrés à quatre usines de production de batteries pour ses véhicules. Les installations en question seront implantées dans les États du Tennessee et le Kentucky dans le cadre d’un partenariat avec le sud-coréen SK Innovation. Pour Bill Ford, président du Conseil d’administration, il s’agit d’un moment de transformation qui verra l’entreprise Ford conduire la transition du continent américain vers les véhicules électriques et commencer une nouvelle période de fabrication propre et neutre en carbone.
Parallèlement à cette croissance au niveau quantitatif, le groupe Ford innove aussi au niveau qualitatif. Elle a récemment déposé une demande de brevet pour un câble de recharge pour véhicule électrique, capable de recharger les batteries d’une voiture aussi vite que lors d’un plein classique avec de l’essence. L’outil, développé grâce à un partenariat avec l’université Purdue dans l’Indiana, participera à la démocratisation des VE dans le monde. Si le prix de ce modèle de voiture est l’un des freins à une utilisation massive actuellement, la durée du temps de recharge constitue en effet un autre obstacle au développement du marché.
Ford, une action attractive
Dans l’industrie automobile, Ford est notamment connue pour sa capacité à innover. Entreprise à l’origine des techniques de production de masse dans l’industrie (d’où l’appellation « Fordisme » pour désigner le travail à la chaîne), le constructeur automobile doit désormais s’adapter à une évolution qu’il n’a pas initiée, celle des véhicules électriques. Si Tesla règne en maître sur ce marché, à cause de l’avance prise, les années d’expérience de Ford et sa stratégie visant à augmenter considérablement sa production sur les années à venir devraient lui permettre de combler son retard. À cela s’ajoutent les diverses innovations et partenariats noués pour demeurer une entreprise rentable et pérenne.