L’Union européenne a dévoilé le 14 juillet son plan climat. Dénommée « Pacte vert pour l’Europe », cette feuille de route proposée par la Commission présente diverses actions à mener pour permettre aux 27 de participer pleinement à limiter le réchauffement climatique à travers la réduction des gaz à effet de serre. Au nombre de ces stratégies figure l’interdiction des véhicules thermiques en 2035, ce qui représente un gros coup sur la tête des constructeurs automobiles.
Objectif légitime
La marche forcée. Si l’expression est bien connue des militaires, la Commission européenne entend bien l’apprendre aux constructeurs automobiles européens. Elle a annoncé mercredi sa volonté d’interdire la mise sur le marché des véhicules qui émettent des gaz à effet de serre en 2035, soit dans moins de 15 ans. Pour Volkswagen, Renault ou Volvo, cela signifie de ne faire sortir des usines, à partir de cette date, que des voitures neuves 100 % électriques ou utilisant exclusivement de l’hydrogène. Cette mesure contribuera à l’objectif européen visant à faire du continent le premier « à parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050 ». Il faut dire qu’en tant que première méthode de déplacement des populations en Europe, l’automobile représente 15 % des émissions de gaz à l’origine du réchauffement de la planète.
« Le pacte vert pour l’Europe est la stratégie de croissance que nous avons élaborée pour évoluer vers une économie décarbonée. L’Europe a été le premier continent à déclarer qu’il parviendrait à la neutralité climatique en 2050, et nous sommes à présent les premiers à présenter une feuille de route concrète », a souligné Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
Il faut noter que des règles strictes d’émission entreront en vigueur progressivement d’ici 2035, pour préparer plus ou moins le marché et les constructeurs à la fin des moteurs thermiques. Ainsi, l’UE a déjà imposé dès l’année dernière un seuil de 95 grammes de CO2 par kilomètre, qui sera encore réduit de 15 % en 2025. D’ici la fin de la décennie, soit en 2030, les émissions moyennes des voitures neuves devront être réduites de 55 % par rapport aux niveaux de 2021 et ensuite de 100 % dès 2035.
Pour rendre sa politique plus facile à mettre en œuvre, la Commission européenne a proposé des mesures d’accompagnement. Elle propose en effet d’offrir aux automobilistes à travers toute l’Europe un « réseau fiable pour recharger ou ravitailler leurs véhicules ». Pour cela, les États membres se verront imposer l’augmentation de leur capacité de recharge au rythme des ventes de véhicules à émissions nulles. Pour les bornes électriques, la Commission propose d’en installer suffisamment sur les grands axes routiers du Vieux continent, à raison d’une borne tous les 60 kilomètres. En ce qui concerne l’hydrogène, ce point de ravitaillement devra être disponible tous les 150 km.
Un pari irréaliste ?
Face aux mesures annoncées par la Commission dirigée par l’Allemande Ursula von der Leyen, l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) n’a pas tardé à réagir. Pourtant, les propositions faites doivent être encore discutées pendant plus d’un an par le Parlement européen et les États membres, et elles peuvent donc être modifiées, voire certaines abandonnées. Néanmoins, l’ACEA tire déjà la sonnette d’alarme en présentant les difficultés qu’il y aurait à implémenter ces mesures. Notons que cette organisation représente les 15 principaux constructeurs européens, c’est-à-dire les sociétés qui seront directement impactées par les propositions en question. Déjà, l’interdiction de tout véhicule neuf, émetteur de CO2, signifie que les voitures hybrides ne seront également plus produites. Or ce marché représente une part importante des ventes actuelles, mais aussi un moyen plus ou moins efficace, comme l’a d’ailleurs souligné l’État français.
« Les hybrides rechargeables sont une bonne solution de transition, il faut qu’ils soient une option de transition dans la durée […] On n’a pas acté la fin du moteur thermique en 2035, ça fermerait la porte à l’hybride également », indiquait l’Élysée en début de semaine, peu avant la présentation du Pacte vert.
Pour l’ACEA, l’objectif de réduire de 55 % d’ici 2030 « sera très difficile et nécessite certainement un objectif contraignant correspondant pour les États membres afin de mettre en place l’infrastructure de recharge et de ravitaillement requise ». Or, les plans actuels européens tablent sur 3,5 millions de points de recharge d’ici 2030, alors que dans le même temps, il en faudrait 2,5 millions de plus, soit 6 millions au total pour se conformer à une ambition de baisse des émissions de CO2 des voitures à -50 % en 2030. Dans ces conditions, l’objectif final d’émissions nulles n’est pas envisageable, au risque de retrouver des voitures immobilisées dans les usines ou les maisons par manque de bornes de recharge pour les utiliser au quotidien.
L’association milite donc pour que les autorités prennent en compte « toutes les options - y compris les moteurs à combustion interne à haut rendement », afin de réussir la transition vers la neutralité carbone.
D’autres contraintes…
En dehors des obstacles externes qui pourraient barrer la route aux ambitions de Bruxelles, comme l’insuffisance de bornes de recharge, il faut souligner que d’autres difficultés internes aux entreprises existent. Par exemple, la production de lithium, nécessaire aux batteries lithium-ion des véhicules électriques ne se fait pas en Europe, mais largement en Amérique latine et bientôt en Afrique. À cela, il faut ajouter le fait que les producteurs de batteries lithium-ion sont encore pour la plupart des Chinois, ce qui crée une double dépendance du vieux continent vis-à-vis de l’extérieur.
Plusieurs constructeurs tentent de lutter contre cette dépendance en implantant des gigafactory en Europe, afin de produire sur place les matériaux dont ils ont besoin pour leurs nouveaux véhicules. C’est par exemple ce qu’a récemment fait Renault avec la firme sino-japonaise Envision. Mais il faudra davantage de volonté politique pour réussir cela. Dans son plan concernant les ressources critiques adopté en septembre dernier, l’Union européenne a ainsi insisté sur la sécurisation de l’approvisionnement de lithium à travers la diversification des sources.
Rappelons que l’automobile n’est pas le seul secteur visé par le Pacte vert pour l’Europe. Le continent veut réduire d’au moins 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, comparé aux niveaux de 1990. L’aviation est ainsi visée à travers la suppression des quotas d’émission à titre gratuit. La part du renouvelable de l’énergie produite dans l’UE va également atteindre 40 % d’ici 2030. « Les efforts que nous déployons pour lutter contre le changement climatique doivent être politiquement ambitieux, coordonnés au niveau mondial et socialement équitables », indique Paolo Gentiloni, commissaire chargé de l’économie.