Depuis quelques années, Total s’est officiellement lancé dans une stratégie d’investissements dans les énergies renouvelables, changeant même de nom pour devenir TotalEnergies, à compter du 28 mai 2021. C’est ce qui explique par exemple son positionnement récent sur les appels d’offres solaires pour le bâtiment dans l’Hexagone, compétition qu’il a remportée en se classant premier de la treizième tranche d’appel d’offres CRE 4.
194 nouveaux projets et 58 MW à installer avec Amarenco
Sur les différents appels lancés dans le cadre de la plus récente tranche de l’appel d’offres « solaire sur bâtiments » initié en 2017, TotalEnergies et son partenaire de joint-venture Amarenco ont remporté 194 projets. Cela se traduira, par l’installation d’une puissance cumulée de 58 MW sur tout le territoire français. Pour le groupe, c’est une nouvelle avancée dans son ambition de disposer en France d’une capacité de production de 4 GW grâce aux énergies renouvelables, à l’horizon 2025. Il faut noter que le projet « solaire sur bâtiments » a été d’un grand soutien dans cette quête puisque TotalEnergies a obtenu, en près de cinq ans, un total de 250 mégawatt-crête (MWc) de projets d’énergie solaire dans l’Hexagone. La société est d’ailleurs le leader incontesté de ces treize appels d’offres puisque son dauphin, Technique Solaire, n’a obtenu « que » pour 228 MWc, selon les données compilées par Analyse Finergreen.
Selon Thierry Muller, patron de la branche française de TotalEnergies Renouvelables, depuis 2017, l’entreprise et son partenaire Amarenco ont remporté plus de 700 projets solaires sur bâtiments en France. Se félicitant de cette performance, il a indiqué qu’elle confirme la position du groupe en tant que leader de la toiture photovoltaïque.
Il faut souligner que les projets solaires de TotalEnergies s’étendent aussi aux territoires d’outre-mer, comme le témoigne la conclusion en décembre dernier d’un partenariat avec Prony Resources en Nouvelle-Calédonie. L’accord d’achat d’électricité d’une durée de 25 ans porte sur la construction d’installations photovoltaïques d’une puissance totale de 160 MW, associées à des capacités de stockage de batteries atteignant 340 mégawattheures.
Le GNL, l’autre arme de TotalEnergies
Émettant moins de gaz à effet de serre que le charbon ou le pétrole, le gaz naturel liquéfié est la plus propre des combustibles fossiles. Ce statut lui donne un certain crédit comme « énergie de transition » dans le passage des énergies fossiles aux énergies renouvelables. C’est d’ailleurs ce statut que lui donne la Commission européenne dans son projet de labélisation des investissements « verts » dans l’Union européenne. Ce n’est donc pas surprenant que TotalEnergies, dans sa volonté de réduire son empreinte carbone, intensifie ses investissements dans le secteur. Le dernier développement en date, dans le cadre de cette stratégie, est la signature en décembre dernier de plusieurs contrats avec les autorités du Sultanat d’Oman, pour exploiter les réserves de gaz naturel du pays situé dans la Péninsule d’Arabie. Ils portent notamment sur la mise en place d’une coentreprise, Marsa LNG, détenue à 80 % par TotalEnergies contre une participation de 20 % pour l’Oman National Oil Company. Marsa LNG devrait produire du gaz naturel sur le Bloc 10 à Oman, avant de le transformer en gaz naturel liquéfié à partir d’une usine alimentée à l’électricité solaire. Le produit final sera du GNL soute utilisé par les marins.
Notons cependant que l’usine ne devrait démarrer ses activités qu’après 18 ans de production de gaz naturel, produit qui sera vendu pendant ce temps au gouvernement du Sultanat d’Oman. Toujours dans l’Hexagone, TotalEnergies a aussi choisi le mois de décembre pour annoncer l’ouverture de sa première station fournissant du GNL sur le territoire français, précisément au Havre.
Devenu le deuxième leader mondial dans la fourniture de gaz naturel liquéfié, TotalEnergies vise désormais des ventes annuelles de l’ordre de 50 millions de tonnes d’ici 2050. Pour y arriver, le groupe français peut notamment compter sur les projets qui ont démarré en 2019, à savoir Artic LNG sur le territoire russe et ses 19,8 millions de tonnes par an, Mozambique LNG en Afrique de l’Est et ses 12,9 millions de tonnes chaque année, ou encore le NLNG Train 7 avec une capacité annuelle de 7,6 millions de tonnes au Nigeria.
TotalEnergies - une valeur verte, vraiment ?
À coup d’investissements dans les énergies renouvelables et notamment un changement récent de nom, TotalEnergies tente depuis quelque temps de s’éloigner de son statut d’entreprise pollueuse, lié principalement à sa présence historique dans les énergies fossiles telles que le pétrole et le gaz. Cette volonté d’amélioration de son image est justifiée par des considérations environnementales, avec la pression des écologistes et de l’accélération des efforts entrant dans le cadre de la transition énergétique dans le monde. On peut aussi l’expliquer par une envie d’éviter une mauvaise presse auprès des investisseurs, devenus davantage soucieux du climat au fil des ans.
Cependant, derrière cette image de société voulant « devenir la major de l’énergie responsable. », se cachent encore des difficultés que le groupe peine à résoudre. Non seulement la société basée à Courbevoie reste largement active dans l’extraction du pétrole, mais ses méthodes de production de GNL ainsi que ses engagements de réduction sont largement contestés par les ONG écologistes. Greenpeace et Reclaim Finance les qualifiant par exemple de « mesurettes » ou d’« insignifiantes ». Les projets d’extraction de gaz naturel dans l’Arctique russe, territoire extrêmement sensible à la pollution environnementale, le géant oléoduc entre la Tanzanie et l’Ouganda, ou encore la production de gaz de schiste en Argentine sont même considérés comme « climaticides » par Reporterre.
Finalement, TotalEnergies est accusée de faire du « greenwashing », c’est-à-dire mener beaucoup de communications autour de sa stratégie de réduction de son empreinte carbone, sans vraiment poser suffisamment d’actes pour soutenir ses déclarations. Une enquête publiée début 2022 par le journal d’investigation français Mediapart l’illustre assez bien. En octobre 2020, TotalEnergies, qui s’appelait encore Total, se félicitait d’avoir livré par cargo un chargement de gaz naturel liquéfié neutre en carbone. Cette première pour le groupe fut alors considérée comme une « nouvelle étape » vers la neutralité carbone, pour les clients de Total. L’empreinte carbone de cette opération aurait en effet été compensée par la construction d’un parc éolien en Chine et un projet de sauvegarde des forêts au Zimbabwe. Seulement, le GNL en question a été produit sur le site industriel d’Ichthys sur les côtes australiennes, une installation utilisant notamment du torchage, méthode pourtant considérée comme extrêmement dommageable pour le climat, par l’ONU.
TotalEnergies, une action attractive ?
Malgré les différentes critiques contre la stratégie de TotalEnergies, il faut souligner que le titre du groupe se porte bien en bourse. Il a gagné plus de 30 % en un an, signe de la vitalité de ses affaires, avec notamment le versement régulier de dividendes.