Depuis le mercredi 7 juillet, les utilisateurs français de la plateforme d’échange de cryptomonnaies Binance ne peuvent plus effectuer de dépôts SEPA en euros. La veille, la société leur a en effet notifié à travers un courrier électronique la suspension de ce type de transactions, à cause de certains « évènements indépendants de [sa] volonté ». Les régulateurs financiers de l’Hexagone semblent donc avoir suivi l’exemple de plusieurs de leurs homologues dans le monde et s’en prennent à Binance.
Des régulateurs déchaînés contre Binance en Europe
La suspension des transactions SEPA, l’un des principaux réseaux de paiement européen, est l’un des derniers revers du géant Binance sur le vieux continent. Si la société a qualifié cette interruption de temporaire, il n’en demeure pas moins que le manque à gagner est important. Le système harmonisé SEPA permet en effet aux consommateurs d’effectuer, de façon rapide et simple, des transactions dans une trentaine de pays, les 27 de l’UE plus l’Islande, la Suisse, le Liechtenstein et la Norvège notamment. Pour contourner cette probable interdiction d’activité des autorités françaises, notons que Binance assure à ses clients qu’ils ont toujours la possibilité d’acheter des cryptos avec leurs cartes de débit ou de crédit. De même, les retraits sont toujours possibles via SEPA et la plateforme explique qu’elle « travaille dur pour trouver une solution » avec ses partenaires.
Si Binance se veut aussi rassurante, c’est à cause de la gravité de la situation. Les difficultés dans l’Hexagone interviennent en effet en plein tourment au Royaume-Uni pour le géant des cryptomonnaies. Le samedi 26 juin, l’autorité britannique de régulation des marchés financiers, la FCA, a informé Binance qu’elle est désormais interdite de « toute activité réglementée au Royaume-Uni ». La sanction qui a pris effet le 30 juin concerne la filiale locale de la société, Binance Markets Limited. Elle ne peut en outre pas mener des activités réglementées sans l’autorisation écrite de la FCA au préalable. Binance a réagi à ces décisions, précisant néanmoins à ses clients que les interdictions n’affecteront que les négociations concernant les options ou des contrats à terme et non les cryptomonnaies.
« Si nous ne réglementons pas les cryptoactifs comme le Bitcoin ou l’Ether, nous réglementons en revanche certains dérivés de cryptoactifs (tels que les contrats à terme, les contrats sur différence et les options) », a notamment indiqué la FCA dans son communiqué.
En avril déjà, c’est le régulateur allemand, BaFin, qui rappelait à l’ordre Binance. Alors que la plateforme a annoncé le lancement de jetons d’actions (stock tokens) pour permettre à ses utilisateurs d’échanger des actions d’entreprises avec les cryptomonnaies, les autorités allemandes ont lancé un avertissement. En effet, Binance n’a pas publié les prospectus fournissant au public les renseignements nécessaires sur l’investissement en question, en violation de la loi sur les valeurs mobilières. La société n’a d’ailleurs pas obtenu l’autorisation du régulateur avant de lancer cette offre, s’exposant ainsi à des sanctions financières.
Bis repetita aux États-Unis et en Asie
Pour Binance, les déboires ne s’arrêtent pas en Europe. Elles n’ont d’ailleurs pas commencé sur le vieux continent puisqu’en mai dernier déjà, le géant s’est retrouvé dans le collimateur de la justice américaine. Selon les informations de Bloomberg, le procureur général des États-Unis et l’Internal Revenue Service ont en effet ouvert une enquête confidentielle contre Binance. Il s’agit pour les enquêteurs de déterminer si la plus importante plateforme d’échange de cryptomonnaies au monde est impliquée dans le blanchiment ou l’évasion fiscale. En raison de l’opacité entourant encore cette industrie, les autorités américaines craignent que ces actifs soient utilisés pour cacher des revenus à l’État fédéral, financer des crimes, des transactions illégales ou le trafic de drogue. Les employés de Binance ont donc été interrogés sur le fonctionnement de la plateforme ainsi que sur la conduite des utilisateurs sur plusieurs mois.
Il faut dire que les soupçons de la justice américaine ne sont pas dénués de fondements. Selon un rapport datant de 2020 de la société d’analyse spécialisée Chainalysis, Binance a été la plateforme de cryptomonnaies la plus utilisée pour des activités illégales. À l’époque, Binance n’a pas manqué de réagir aux informations de Bloomberg.
« Nous avons travaillé dur pour intégrer des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent à notre plateforme, et des outils utilisés par les institutions financières pour détecter les activités criminelles », a assuré Jessica Jung, porte-parole de Binance.
Ailleurs dans le monde, il faut noter que Binance n’est pas vraiment épargné. Le géant a ainsi été confronté aux avertissements des autorités japonaises. En juin sur l’île nippone, l’agence de régulation des services financiers a ainsi fait savoir à Binance qu’elle opérait des transactions illégales en cryptomonnaies, c’est-à-dire sans l’aval des autorités notamment. La Thaïlande a aussi lancé une enquête pénale contre la plateforme qui a par ailleurs suspendu ses activités dans la province canadienne de l’Ontario.
Des risques pour la survie de Binance et des cryptomonnaies ?
Face à ces divers assauts sur plusieurs continents, et surtout chez les plus grandes puissances, il est légitime de s’interroger sur le sort qui attend à moyen ou long terme Binance et les cryptomonnaies. Faut-il le rappeler, ces derniers font également l’objet de répression dans le monde, avec notamment l’interdiction du minage dans plusieurs pays. Cependant, ce n’est pas encore le moment d’être alarmiste, car Binance par exemple s’efforce pour se conformer aux différentes normes exigées par les États afin d’exercer légalement l’ensemble de ses activités.
« Binance a grandi très rapidement et nous n’avons pas toujours tout fait exactement comme il faut, mais nous apprenons et nous nous améliorons chaque jour […] Nous souhaitons poursuivre nos efforts en travaillant en collaboration avec les régulateurs pour répondre à leurs préoccupations à mesure que le secteur continue de se développer », a déclaré mercredi dernier Zhao Changpeng, président de la compagnie.
Binance, qui a déjà traité plus de 5 milliards de dollars de transactions en 2021, n’a donc pas l’intention de jeter les armes. C’est une bonne nouvelle pour tout l’écosystème qui, de toutes les façons, ne fait que grandir malgré les menaces et interdictions. À côté des États qui les répriment ou restreignent leurs utilisations, plusieurs autres mettent en œuvre des politiques pour les développer. Le Salvador a par exemple pris récemment la décision de donner cours légal au Bitcoin, l’imposant ainsi comme monnaie officielle du pays. Plusieurs banques centrales travaillent par ailleurs sur des monnaies numériques de banques centrales, qui ne sont rien d’autre qu’une variante des cryptomonnaies gérées par un organisme central et non décentralisé.