Le groupe pharmaceutique français Sanofi a annoncé la construction d’une nouvelle usine de production au Canada. Prévue pour être installée sur le site de la société à Toronto, l’usine produira des vaccins antigrippaux dans un contexte où la demande pour ces produits explose du fait de la pandémie de Covid-19. C’est donc une décision stratégique qui vient rejoindre d’autres actions de Sanofi qui a plutôt bien encaissé son échec sur le vaccin anti-Covid-19.
Accroître la disponibilité des vaccins antigrippe
Dans son communiqué fin mars, le géant français du médicament a indiqué l’objectif principal de sa démarche : rendre plus que jamais disponible son vaccin à haute dose contre la grippe. Pour cela, 600 millions de dollars seront consacrés aux travaux de construction, avec une entrée en production prévue pour 2026. Il s’agira alors de la première unité de production du vaccin antigrippal quadrivalent Fluzone High-Dose installée hors des États-Unis. Elle viendra s’ajouter à l’unique site de production à l’heure actuelle, celui de Swiftwater dans l’État de Pennsylvanie.
Si le produit est dénommé Fluzone High-Dose, c’est parce qu’il contient quatre fois la dose qu’on retrouve dans les vaccins de base utilisés pour la lutte contre la grippe. Il offre ainsi une protection plus efficace et plus adaptée aux personnes de plus de 60 ans ou 65 ans, selon les autorités sanitaires de plusieurs pays. Le produit a d’ailleurs obtenu des autorisations de mise sur le marché dans 25 pays européens, est déjà commercialisé aux États-Unis et le sera au Canada dès cette année.
Cette opération est aussi importante d’un autre point de vue. En effet, la pandémie de Covid-19 a entraîné une toute nouvelle affluence vers les vaccins antigrippaux, surtout venant des personnes âgées. Considérées plus vulnérables à la maladie, elles veulent éviter de contracter les deux maladies. Si la pandémie peut être éradiquée, ce n’est pas le cas de la grippe saisonnière qui, comme son nom l’indique, revient de façon cyclique. L’installation canadienne servira donc à répondre aux futures demandes de vaccins afin de lutter efficacement contre les épidémies fréquentes.
« Ce nouvel investissement permettra de mieux protéger contre la grippe et ses complications un plus grand nombre de personnes âgées dans le monde », s’est ainsi réjoui Paul Hudson, Directeur général de Sanofi.
C’est d’ailleurs l’influence du chef d’entreprise sur la stratégie du groupe qui se matérialise ainsi une nouvelle fois. Une stratégie axée sur les vaccins et des produits dont la demande est constante ou en hausse.
La locomotive Dupixent
La future usine de Toronto n’est pas le premier investissement d’envergure réalisé ces dernières années par Sanofi au Canada. Elle vient rejoindre une enveloppe de 350 millions d’euros annoncée en avril 2018 et consacrée à une autre unité de production de vaccins. Il devrait être opérationnel cette année et fournira au marché les antigènes entrant dans la composition de vaccins contre la coqueluche, la diphtérie et le tétanos.
Si cette décision a été prise avant l’arrivée de l’actuel PDG, elle cadre pourtant très bien avec la politique de croissance de ce dernier. Cette politique, dont les grandes lignes ont été présentées en décembre 2019, vise notamment à prioriser les principaux moteurs de croissance de l’entreprise que sont le produit Dupixent et les vaccins.
Approuvé pour utilisation en mai dernier par l’agence américaine du médicament (FDA), le Dupixent est présenté comme le « premier médicament biologique pour le traitement de la dermatite atopique modérée à sévère de l’enfant âgé de 6 à 11 ans ». Employé surtout contre l’asthme et l’eczéma sévère, il est devenu en quelques mois la nouvelle coqueluche du géant français, car représentant une part importante des ventes et surtout des bénéfices. Le chiffre d’affaires de 3,5 milliards d’euros l’année dernière représente une hausse de 73,9 % en glissement annuel, témoin de l’importance croissante du produit. Si ce montant est encore loin de l’objectif des 10 milliards d’euros annoncé pour 2025, il témoigne néanmoins du rôle de locomotive que le Dupixent est appelé à jouer dans la croissance du groupe pour de nombreuses années encore.
Vaccins, situation mitigée
Du côté des vaccins, la situation est également au beau fixe. La pandémie de Covid-19 a entraîné une hausse de la demande de vaccins contre la grippe, ce qui a eu un impact positif chez Sanofi. Si la croissance du secteur des vaccins a atteint seulement 8,8 % à l’échelle du groupe l’année dernière, les ventes de vaccins contre la grippe ont progressé de 37,9 % en glissement annuel. Notons par ailleurs que le chiffre d’affaires global de Sanofi s’élevait à plus de 36 milliards d’euros en 2020, reflétant une hausse de 3,3 % en glissement annuel. Ces bonnes performances feraient presque oublier le couac rencontré par le géant français dans le développement de son vaccin contre la Covid-19.
Les millions d’euros investis dans la recherche l’année dernière n’ont pas suffi. En effet, fin 2020, le laboratoire français et le groupe britannique GSK, son associé, indiquent que les premiers essais cliniques du vaccin développé conjointement ne sont pas suffisamment concluants. L’efficacité du produit serait moindre chez les personnes âgées. « Les résultats de l’étude ne sont pas à la hauteur de nos espérances », avouait alors Roger Connor, président de GSK Vaccines.
Un impact limité en bourse
Alors que la plupart de ses concurrents se préparaient à la mise sur le marché de leurs vaccins, le fleuron français piétine et cela aura d’ailleurs un impact immédiat à la bourse. Le titre avait chuté, passant de plus de 85 € début novembre à 76 € mi-décembre. Depuis, il a remonté progressivement, et le titre Sanofi se négocie actuellement à plus de 84 €. La décision de construire une nouvelle usine au Canada n’a eu que peu d’impact sur son évolution en bourse.
Cette amélioration est plutôt liée aux bons résultats annuels du groupe et, peut-être aussi, au développement de son deuxième projet de vaccin. Sanofi apporte aussi son soutien aux concurrents Pfizer et Johnson & Johnson. Il fournira son expertise et ses installations pour la production de 100 millions de doses de vaccin Pfizer et BioNTech cette année. Suite à l’approbation du vaccin JJ, le géant français s’est engagé également à produire 12 millions de doses de vaccin par mois sur son site de Marcy l’Etoile en France.