Deliveroo sera officiellement cotée à la bourse de Londres à partir du 7 avril à 8 h TU. C’est ce qui ressort du communiqué publié le lundi 22 mars par le géant britannique de la livraison de repas qui annonce ainsi officiellement une introduction en bourse attendue depuis déjà quelques mois. Détail important et non des moindres, l’opération devrait valoriser la compagnie à 10 milliards de dollars, ce qui ferait d’elle la nouvelle décacorne de la London Stock Exchange.
Des chiffres de géants
Dans le milieu des start-ups, une société valorisée à plus d’un milliard de dollars est surnommée Licorne. On appelle donc « décacorne », une start-up qui a atteint et dépassé une capitalisation boursière de 10 milliards $ et c’est bien l'ambition visée par Deliveroo avec son introduction en bourse. Alors que la dernière levée de fonds lui a permis d’obtenir 180 millions $ et une valorisation supérieure à 7 milliards $, Deliveroo veut faire mieux. Le financement privé ayant démontré la confiance solide des investisseurs, la société veut atteindre une capitalisation comprise entre 7,6 milliards £ (10,4 milliards $) et 8,8 milliards £ (12 milliards $).
L’opération commencera début avril grâce à l’émission d’au moins 384,6 millions d’actions à des prix qui varient entre 3,90 livres sterling et 4,60 livres sterling. L’achat des titres est ouvert aux investisseurs institutionnels, mais Deliveroo a pensé aussi à ses utilisateurs. Ainsi, toutes les personnes majeures résidant au Royaume-Uni et ayant déjà passé au moins une commande par le biais de la plateforme pourront acheter des actions, avec néanmoins une priorité accordée aux clients les plus anciens.
En plus du soutien des nouveaux investisseurs, il faut noter que la société peut compter sur les actionnaires existants, notamment le géant du commerce en ligne Amazon, qui détient 16% de participation dans la société de livraison.
Le fondateur et PDG de Deliveroo, Will Shu, a prévu l’émission de deux types d’actions. Les titres A seront cotés et donc négociés sur la London Stock Exchange (LSE). Alors que les titres B seront exclusivement la propriété de M. Shu. Ils auront la particularité d’avoir un poids plus important au conseil d’administration, c’est-à-dire 20 votes pour chaque action B.
Ce mécanisme durera un certain temps, avant que les actions B soient automatiquement transformées en actions A, au bout d’un délai de trois ans. L’opération est censée permettre au PDG de conserver la direction du groupe tout en continuant à mettre en œuvre sa stratégie de développement.
Le timing parfait ?
L’année dernière, Deliveroo a enregistré une perte totale de 223,7 millions de livres (259,1 millions d’euros). Il s’agit néanmoins d’une baisse de 29% par rapport à l’année 2019, où la perte annuelle avait atteint 317 millions de livres. La compagnie aurait même été rentable durant plus de six mois en 2020. Cette amélioration de la situation financière de Deliveroo est liée à la pandémie de COVID-19. Les différentes restrictions liées à la crise sanitaire ont en effet bloqué les consommateurs à leurs domiciles, faisant exploser du coup les achats en ligne.
Les commandes sur la plateforme ont bondi et, malgré l’allègement des mesures, les utilisateurs semblent avoir adopté ce mode de vie. C’est du moins ce que traduit la hausse de 121 % en glissement annuel observée au niveau des transactions sur la plateforme en général. Ce chiffre monte à 130 % au Royaume-Uni et en Irlande, et tourne à 112 % dans les autres pays. Il s’agit désormais de maintenir cette tendance grâce à une stratégie de diversification.
Ainsi, pour le PDG Will Shu, qui exprimait sa fierté d’entrer en bourse à Londres, la ville de naissance de Deliveroo, l’opération permettra à la société de poursuivre ses investissements dans le domaine de l’innovation. Elle continuera aussi de déployer de nouvelles technologies afin de soutenir ses activités et augmenter les possibilités pour sa clientèle.
En d’autres termes, cette stratégie de diversification vise à s’intéresser à de nouveaux secteurs d’activité. Spécialisée actuellement dans les repas grâce à des partenariats avec des restaurants, la plateforme de livraison envisage d’étendre ses services en s’associant désormais à des supermarchés.
À terme, Deliveroo vise à devenir une société alimentaire de premier plan. Elle compte poursuivre sur sa tendance actuelle alors qu’elle a démarré l’année 2021 sur des chapeaux de roue. Pour son PDG, le rêve est de profiter de la pleine croissance du marché de la livraison.
À la croisée des chemins
Deliveroo a été créée à Londres en 2013. La plateforme dispose d’un site web et d’une application pour le passage de commandes de repas qu’elle se donne pour objectif de livrer en moins d’une demi-heure. Son activité prend en compte aujourd’hui plus de 800 villes à travers des partenariats avec environ 115 000 restaurants dans 12 pays. Si elle a des concurrents de taille comme UberEats ou Just Eat, la société revendique 6 millions de clients par mois.
Le groupe n’a que 2 000 employés, mais dispose en revanche de 100 000 livreurs reconnaissables à leurs sacs à dos verts qu’ils portent. Cependant, leur situation précaire est régulièrement l’objet de condamnations de la part des ONG et des travailleurs eux-mêmes. Les livreurs dénoncent ainsi des tarifs de courses « injustes » et un manque de protection sociale, en plus des conditions de travail déjà considérées comme dangereuses. La prise en compte de ces critiques est l’un des défis parmi tant d’autres pour la compagnie : offrir davantage de sécurité à ses livreurs grâce à de meilleures assurances et une meilleure prise en charge des accidents de travail.
L’exposition médiatique accrue qui va avec une introduction en bourse et la pression des investisseurs pourront sans doute motiver Deliveroo à agir dans ce sens. Une prochaine décision de la Cour d’appel de Londres est d’ailleurs attendue pour déterminer si les livreurs britanniques peuvent négocier des conventions collectives afin d’obtenir de meilleures conditions de travail.
Au-delà de ces considérations, il faut noter que la rentabilité fera partie des objectifs à moyen terme de Deliveroo. Bientôt soumise à l’humeur du marché et aux fluctuations inhérentes à une cotation en bourse, la société devra plus que jamais faire attention en limitant ses pertes. Il faudra bien évidemment accroître le chiffre d’affaires et éviter les écueils récurrents pour les start-ups introduites en bourse.